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La lente agonie de "Monsieur Joseph"
Une adaptation en finesse du "Petit homme d'Arkhangelsk", signée Jacques Santamaria, réalisée par Olivier Langlois.L'histoire révoltante d'un personnage magistralement incarné par Daniel Prévost.Sur La une, à 20 h 15.
Caroline Gourdin Publié le 10-09-2007 à 00h00
CorrespondantE à Paris
C'est une histoire ordinaire. Humaine. Et inhumaine. L'inexorable chute d'un homme qui ne demandait qu'à mener une vie tranquille dans un petit village du Nord. Un libraire marié à une fille du coin. De père kabyle et de mère française, Youssef, dit "Monsieur Joseph" ( ( (, croyait être intégré. Et puis, un soir, sa femme Tina (étonnante Julie-Marie Parmentier) ne rentre pas. S'il ne lui impose rien, il n'a pas l'habitude de rester sans nouvelles. Alors, il raconte à ses voisins que sa femme est partie à Valenciennes. Un petit mensonge qui va se retourner contre lui. Le doute s'insinue dans l'esprit des habitants, en particulier dans celui des parents de la jeune femme, qui ne la voient pas revenir. Joseph est soupçonné du meurtre de son épouse. Des années plus tôt, une jeune femme a été retrouvée noyée dans le canal. Le rapprochement est fait. Joseph redevient l'étranger. Donc le coupable.
C'est l'histoire du racisme ordinaire. Qui peut viser n'importe qui. Car la différence ne se lit pas toujours sur les visages. "Joseph est victime de la rumeur, de la méchanceté. Les sous-entendus font si mal qu'ils amènent ce personnage tellement humain à la destruction de lui-même", analyse Daniel Prévost, dont l'épouse (décédée pendant le tournage du film) lui avait conseillé d'incarner ce personnage. Elle a eu raison. Prévost est exceptionnel d'intensité. Habité, il est au-delà du jeu. "Vous allez au personnage, il vient à vous. Au-delà de mes origines kabyles, j'ai été touché par ce drame humain et par la générosité de ce personnage attendrissant. Le caractère universel du sujet est ce qui fait sa force." Plus coutumier des comédies - qui réclament une part de gravité -, Daniel Prévost se situe dans un registre inattendu. "Dans les limites de la pudeur, on peut jouer tout ce qu'on nous autorise à jouer."
"Un immense acteur"
Jacques Santamaria a pensé à lui en écrivant "Monsieur Joseph", adapté d'un roman de Georges Simenon, "Le petit homme d'Arkhangelsk". "Daniel Prévost est un immense acteur. On va peut-être enfin s'en apercevoir. Il ne lâche pas son personnage, totalement concentré, fiévreux." Dans le roman de 1956, Youssef s'appelle Jonas. "Comme Jonas face à l'antisémitisme, Joseph se rend compte qu'il n'a jamais été accepté, qu'il n'y a pas d'issue."
Fin connaisseur de l'oeuvre de Simenon, Santamaria a ajouté au scénario des éléments pêchés dans d'autres romans : "On a transposé cette histoire du centre de la France dans le Nord, simenonien par excellence, mais on a conservé le canal, qui est aussi un personnage simenonien. J'ai ajouté le premier meurtre, qui permet de nourrir la rumeur qui va étouffer littéralement Joseph. L'étouffement est d'ailleurs une grande donnée chez Simenon."
Cet étau qui se resserre insidieusement est mis en valeur par la mise en scène sans éclat, sans dramatisation d'Olivier Langlois. Et la douceur des images contraste avec la violence du propos. "Il a filmé peu de ciels ou des ciels bas. La place du village n'est accessible que par une rue qui mène au commissariat. On retrouve ici le thème du calvaire cher à Simenon", précise Santamaria, qui a développé la relation qui unit Joseph à sa femme, beaucoup plus jeune que lui, et donné de l'importance au personnage du commissaire, sorte de Maigret "qui ne juge pas, essaie de comprendre, pose un regard d'homme". Il porte le nom de Boucheron, personnage de "L'homme à la cigarette", signé du pseudo Georges Sim. Incarné par Serge Riaboukine, ce commissaire est salutaire. Il vient apaiser quelque peu la révolte que suscite cette intolérable mise au ban.