Ce film est né d'une conversation entre Chaplin et Orson Welles en 1944, où suivant l'idée de ce dernier, Chaplin s'est inspiré du personnage de Landru, mais bien que l'action soit située en France et à Paris dans les années 30, ce n'est pas une reconstitution des faits de l'affaire Landru, mais un scénario libre où il put réaliser un film sans Charlot, passant de la comédie burlesque à la comédie de moeurs que j'ai plaisir à surnommer "comédie de meurtres". C'est un film qui a toujours dérouté les fans de Charlot, car ici Chaplin est loin de son image du vagabond tendre et émouvant de ses précédents films, il incarne en effet un dandy cynique et raffiné, mais criminel.
Retrouvant l'ironie mordante de ses premiers courts-métrages, Chaplin manie l'humour noir avec une férocité surprenante, il se plait à se moquer tout à la fois de la religion et de la vie sentimentale, mais surtout de la société des femmes, ce matriarcat américain, ces ligues de vertu féminines qui l'avaient toujours poursuivi de leur vindicte. Il se venge de tout ce que Charlot le vagabond avait subi par les femmes. Son esprit satirique ne vise pas que la misogynie, il n'épargne personne et règle aussi ses comptes avec la société affairiste, le crime et la guerre, on peut presque dire que Monsieur Verdoux est une suite logique des Temps modernes et du Dictateur. Il n'est pas étonnant que ce film volontairement grinçant ait été mal accueilli par le public américain et surtout par les ligues moralistes, il fut même boycotté, d'où un échec commercial cuisant ; c'est encore la critique française qui fit le succès de ce petit chef-d'oeuvre.