Il y a deux choses horribles dans la vie : 1) c'est trop horrible 2) c'est trop court.
Monster Road et un documentaire passionnant sur le génial Bruce Bickford, un animateur trop méconnu malgré le talent évident. La preuve, trouver un de ses films est plus difficile que de s'enfiler 50 merguez dans l'arrière train. Bruce Bickford, c'est aussi l'homme qui vient casser le mythe du studio d'animation où l'on travaille en équipe ; bien au contraire, le bougre est seul pour façonner ses histoires, il lui arrive donc de prendre 10 ans pour faire un simple film d'une heure. Evidemment, son souhait serait d'avoir assez d'argent pour se payer un vrai studio, d'avoir des aides, d'avoir du matériel pour le son, etc. Mais sa collaboration avec Zappa ne lui aura pas permis de vivre ce rêve, juste de quoi toucher un peu d'argent.
D'ailleurs, où vit-il cet artiste marginal? Chez son papa. Son papa qui ne supportait pas de le voir rester à la maison, incapable de gagner sa croûte, jusqu'à ce qu'il ait l'alzheimer et qu'il oublie cette colère. Ingram, qui a certainement vu "Crumb" a bien compris qu'il est parfois plus intéressant de parler de l'entourage d'un artiste pour mieux le comprendre ; le film alterne donc déclarations du père et du fils. l'on comprend alors d'où peuvent provenir certaines fêlures, pourquoi Bruce s'oriente vers Bickford. Evidemment ce ne sont que des interprétations, l'auteur ne vient jamais dire "c'est la cause de tout ça".
Au final, autant Bruce que son paternel nous passionnent ; leur mode de vie, leurs souvenirs, leurs espérances, leurs questionnements philosophiques rythment ainsi le film qui pourtant n'est pas tellement bien construit. En gros, Ingram se contente de filmer des passages cools, d'inclure des extraits du travail de Bruce, de mettre une musique explosive avec queqlues ralentis et l'on se demande même parfois ce qui justifie telle ou telle transition. mais voilà, quand le sujet est en or, le spectateur peut se permettre de pardonner quelques erreurs.
Ca ne m'empêche pas pourtant de vouloir parcourir la filmographie du réalisateur qui se plaît à filmer des gens cassés, des autistes, des américains déchus ; son dernier documentaire, "Rocaterrania", concerne un scientifique-illustrateur passionnant lui aussi. Malheureusement tous ces films sont quasi introuvables. Je ne sais donc pas, à l'heure d'aujourd'hui, si je verrai d'autres films de ce bonhomme ou même d'autres animations de Bickford que celles présentes sur Youtube.
Bref, "Monster Road" est un documentaire passionnant sur un artiste incroyable et son père ; des interactions touchantes, profondes, mais surtout deux personnages forts de par leur condition humaine. C'est beau. Et quelle musique (directement tirés des films d'animations?).