... Et c'est ainsi que je découvris le Graal
Quand j'étais môme, on ne voyait pas "Sacré Graal" à la télévision.
Nos soirées enfantines étaient rythmées le plus souvent par ces grands films populaires des années 60-70.
Bébel filant des coups de boule, sautant d'immeubles en immeubles la clope et le sourire au bec, roulant des pelles baveuses à des gonzesses au brushing impeccable.
Delon et son magnétisme animal, fronçant les sourcils en toutes circonstances et en toutes situations : Delon arrête le criminel, il fronce les sourcils. Delon tombe amoureux, il fronce les sourcils. Delon se coupe le doigt en coupant un oignon, il fronce les sourcils...
Et tant d'autres: Gabin, gabinant. Ventura, venturant.
De "La dernière séance" Mitchellienne sauce barbec' Ricaine des années 50, du Polar "Saucisson" bien couillu façon Gabin ou plus raffiné genre Melville, jusqu'aux poussiéreux "Westerns spaghettis" sentant bon le Whisky frelaté et les pâtes à l'ail.
Impossible de parler de nos veillées télévisuelles des années 80 sans parler de nos comiques hexagonaux.
Tous nos Fernandel, Bourvil, De Funès, Pierre Richard ou Coluche. Un rire rassurant et apaisant. Quelque chose de tangible, quelque chose que l'on comprend : Une mimique, une posture ou une vanne.
Un rire bien de chez nous; efficace mais sans surprise.
Et puis le jour bénit arrive. Par le biais d'une cassette vidéo, d'un DVD ou d'une chaîne thématique Franco-Allemande. Il est l'heure !
Tout d'abord un générique étrange. Long, long, très long. Qui n'en finit pas...Et paf ! Ca commence :
Un cheval fabriqué entièrement en noix de coco.
Des paysans Libertaro-communistes, à moins que ce ne soit l'inverse, sûrement encartés au PCM (Parti Communiste Médieval).
Un chevalier noir, gardien obstiné d'un chemin interdit, insensible à la douleur.
Les hommes du seigneur Guy De Loimbard. Français fraîchement exilés en Angleterre et grands spécialistes de l'insulte à connotation animale.
Un château où plus de 200 vierges entre 18 et 22 ans passent leurs journées à se laver entre elles, devant un chevalier dont le voeu de chasteté commence à peser lourd.
Mais aussi :
Des chevaliers disant "NI" et souhaitant un joli petit jardinet pour améliorer leur coin de fôret.
Un chateau assiégé et gardé par des Frenchies belliqueux, férus de défense animalière et grands professionnels de la catapulte.
....Et encore :
Un lapin de Troie en bois, un historien égorgé, un lapin sérial-killer, un mariage raté, un Merlin pyromane, le Chateau d'AAAAaaarrrrggggghhhh et la sainte grenade d'Antioche.
...La fin, heureusement, se veut rassurante; puisque la police intervient, arrêtant les acteurs alors qu'ils chargeaient violemment, les armes à la main, vers un château et met ainsi fin à cette folie, que certains appellent : film.
Il vous faut quelques minutes avant de faire le point sur ce que vous venez de regarder.
Où est De Funès et son humour grimaçant faisant rire petits et grands ?
Ce rire bien Français, terrien. Qui veut que l'on rigole parce qu'une grimace c'est drôle, et c'est tout. Rien de plus simple. On cherche pas plus loin.
Vous mettez du temps à piger.
Mais, putain, qu'est ce que vous vous êtes marré !!
C'est maintenant un horizon aventureux et inexploré qui s'ouvre à vous.
C'est votre vision qui a changé avec ce film. Les choses n'ont plus le même goût, ni la même couleur.
Tout vous semble plus fade, moins lumineux...
Ca y est, vous avez grandi !!
Votre enfance est derrière vous et vous fait signe, comme pour vous souhaiter "Bonne chance" avec votre nouveau "vous".
Vous percevez au loin, derrière vous, ce bon vieux Louis De Funès, ce Pierre Richard au regard si doux ou nos 4 Charlots facétieux vous faisant "Au revoir" de la main, des larmes plein les yeux.
Et devant, 6 hommes en armure. Chevauchant des montures invisibles, entrechoquant 2 noix de coco entre elles et vous accueillant les bras ouverts..
J'ai trouvé le Graal !!!
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