Il faut souligner l’importance du maquillage grotesque d’Aschenbach car celui-ci a de quoi interpeler. Est-ce là une peinture ante-mortem, en préparation d’un rite funéraire à venir ? Est-ce l’élément extravagant de quelque parade nuptiale, en vue de plaire au jeune Tadzio ? Est-ce un masque, dans la pure tradition vénitienne, servant à cacher le désordre intérieur du compositeur ? Pour ma part, mais peut-être me trompé-je, j’y vois l’attribut bien connu du clown. Mais alors un clown « à l’envers ». Je m’explique. Il existe une définition qui dit que l’art du clown c’est, pour l’acteur, d’être en pleine maîtrise de son jeu tout en faisant semblant que tout va de travers autour de lui. Pour Aschenbach, ce serait plutôt le contraire : s’il est dans un état de confusion et de délabrement moral avancé ; par ses manies, ses petits tics de bourgeois corseté, celui-ci fait mine d’être pleinement maître de lui. Pure illusion, comme on le voit tout au long du film ! C’est peut-être cette confusion qui justifie l’interprétation étrange et inattendue de Bogarde, dans cette scène improvisée mémorable (que Visconti a choisi de garder) où son personnage passe des larmes au rire alors qu’il suit misérablement Tadzio dans ces rues où tout part à vau-l’eau, où le choléra et la mort rôdent - comme un écho à la débâcle intérieure du personnage.