L’usage qui est fait du surcadrage (notamment dans les appartements, grouillants et étriqués) ou la présence fréquente d’amorces d’un obstacle entre le spectateur et les acteurs (tels que des barreaux de fenêtres ou des vitres poussiéreuses, auxquelles la citation finale fait référence) soulignent avec infiniment de grâce l’enfermement des personnages, dans l’impossibilité de s’aimer à l’intérieur de ce cadre rétréci ou brouillé. Même chose à l’extérieur, les ruelles y sont toujours trop étroites (même si c’est pour mieux s’y rencontrer et s’y frôler) et quand elles ne le sont pas, la pluie diluvienne oblige à s’abriter sous de minuscules préaux carrés. Une prison. Hong-Kong est une prison pour ces deux amoureux transis. Et comme toute prison, elle a ses geôliers : voisins, voisines et commérages sont toujours là pour veiller à ce que l’amour ne puisse pas s’exprimer. Des geôliers dont l’uniforme serait ces chatoyantes qipaos, magnifiques robes à la mode à Shanghai dans les années 30.
Puis, lorsque le carton "fin" apparaît, à l’instar de cet inoubliable couple livré à son sort, jouant et rejouant le jeu de la séduction ou de la scène (de ménage), c’est à notre tour d’être abandonnés. Tristes, il nous faut quitter cette œuvre riche de tant de beauté, chef d'œuvre de son réalisateur. L’émotion reste vivace longtemps après visionnage : voilà un film qu’on souhaiterait ne jamais voir se terminer…