Il existe sans doute un nombre relativement élevé de films qui s'achèvent sur la mort du personnage principal. Parmi eux, certains sont lents et longs, et à l'intérieur de cette catégorie, certains sont lents, longs et chiants (le premier qui me vienne à l'esprit ici, c'est "Into the Wild"). Et puis il y a ceux, comme "Mort à Venise", que la lenteur ne tue pas ; mieux : ce faux rythme les élève. Aidés par la beauté des images et la qualité de leur musique, ils deviennent hypnotiques, envoûtants et poétiques.
Cette oeuvre de Visconti, inspirée d'une nouvelle de Thomas Mann, raconte les derniers jours de la vie d'un compositeur en mal d'inspiration, réfugié à Venise pour remédier à cet épineux problème. Ce n'est pas du spoil que d'affirmer qu'il n'y trouvera que la mort (le titre nous avertit d'emblée), non sans avoir vécu une dernière passion pour un jeune polonais fréquentant le même hôtel, à la beauté pure mais au caractère déjà bien affirmé, puisqu'il ne tardera pas à comprendre qu'il exerce sur le musicien une profonde fascination. Tout au long du film, cette attraction prendra plusieurs visages, et le peu de contacts, de paroles, échangés entre les deux protagonistes, maintiendra sans cesse une incompressible distance, faisant presque du jeune Tadzio un être abstrait, imaginaire, l'expression d'un idéal symbolique : celui de l'Amour éternel, de la liberté, de l'Art comme éternelle fontaine de jouvence, de la création comme quintessence de la personnalité de l'artiste, le tout fusionnant jusqu'à devenir le reflet de la vérité absolue. En cela, la quête de Gustav ressemble à la fois à un chemin de croix, à une rédemption tardive, à un pressentiment morbide, à une révélation soudaine ; en lui donnant l'impression de revivre, emporté par des élans romanesques, elle le tuera, le poussant dans ses retranchements, lui faisant braver le danger jusqu'à l'auto-destruction, comme un condamné qui sait qu'il n'a plus rien à perdre.
"Mort à Venise" est un film silencieux et contemplatif, mais où les silences sont plus parlants que les mots. C'est la décadence d'un dandy abandonné, qui, en se baignant dans les yeux d'un garçon, y cherchera son idéal de Beauté, cruellement inaccessible, au point de se noyer. Les paysages éthérés d'une Venise figée dans ses eaux troubles achèveront de vous convaincre.

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le 24 août 2011

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Psychedeclic

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