En septembre 1986 arrivait sur les écrans de l'hexagone Mort Un Dimanche de Pluie, une proposition de thriller horrifique à la française qui allait durablement marqué les esprits des quelques spectateurs qui s'y seront aventurés. Le film de Joël Santoni ne rencontrera guère de succès en salles et depuis plus de trente ans il n'a quasiment jamais été rediffusé à la télévision, quant au DVD édité par LCJ Édition & Production en 2013 il est depuis longtemps très difficile à trouver à moins de débourser entre 60 et 120 euros sur le marché des vautours de l'occasion. Mort Un Dimanche de Pluie est devenu une vraie rareté qui sied assez bien à l'aura un peu sulfureuse d'un film qui tout en restant assez classique et souvent maladroit propose une véritable et sourde tension psychologique culminant dans quelques séquences chocs comme peu de films osent en proposer (et que personne ne proposera sans doute plus jamais)


Mort Un Dimanche De Pluie nous raconte l'histoire de David et Elaine un couple qui bat un peu de l'aile et de leur fille Christine surnommée Cric. La petite famille qui vit dans une immense maison d'architecte construite par David se retrouve confrontée à un étrange couple vivant dans une caravane, les Bronsky. A la fois par contrainte , opportunisme et pitié le couple de plus en plus accaparer par leur travail respectif va engager monsieur Bronsky comme jardinier et madame Bronsky comme nourrice pour leur fille , mais les intentions du couple Bronsky et de leur fille sont loin d'être innocentes.


Mort Un Dimanche de Pluie est un film dont la plus grande force est de parvenir à construire une ambiance très anxiogène et étouffante qui navigue parfois jusqu'au malaise. Le film baigne vraiment dans une atmosphère froide et implacable de fait divers sordide et de violence domestique bien trop quotidienne pour ne pas être parfaitement crédible. Il y-a déjà ce décor minimaliste et austère de cette maison d'architecte isolée avec ces formes massives de blocs géométriques de béton et cette couleur uniformément grisâtre et triste. Et puis il y-a ce foutu ciel dont la couleur grise semble éternellement à l'unisson de celle de la maison et qui chiale régulièrement des trombes d'eau sur ce sinistre décor. Comme le dit la petite Cric dans un bel esprit de synthèse «  Putain de pluie et putain de baraque » … Une fois le décor planté ou plutôt bien plombé, l'histoire va pouvoir se mettre en place et les protagonistes rentrés dans un éprouvant et pervers jeu de domination. Le scénario du film écrit par Joël Santoni et Phillipe Setbon (Les FauvesCrossParole de Flic) n'est pas globalement irréprochable mais il reste assez implacable dans sa construction et la richesse d'un sous texte toujours aussi fort. Si il est assez vite établi que les Bronsky ne veulent pas que du bien au couple qu'ils servent en tant qu’employés de maison et que tout s'articule autour d'une histoire de vengeance pas toujours finement construite, en revanche dans le fond le film n'est pas sans rappeler par son sous texte le récent Parasite et cette idée de lutte des classes avec ce couple de marginaux se glissant dans le quotidien d'un couple aisé dont ils souhaitent s’accaparer les biens d'autant plus qu'ils les jugent responsable de leur condition. Mais si la tension du film est si forte et prenante c'est peut être surtout car elle se concentre et se focalise beaucoup sur la maltraitance physique et psychologique d'une gamine de sept ans sur laquelle madame Bronsky, qui fait office de nourrice, va projeter toute sa haine du couple et de leur réussite. Rabaissée, frappée, humiliée la gamine va vivre un véritable chemin de croix qui semble la briser de jours en jours. Cette maltraitance culminera dans une ultime torture physique et psychologique nous imposant une vision absolument glaçante et une image qui frappe vraiment comme un uppercut et comme aucun film n'osera sans doute plus jamais en proposer. Mort un Dimanche de Pluie peut se vanter de construire un suspens étouffant qui monte crescendo et dont certaines images marquent à jamais les esprits. Il faut également saluer le formidable travail de l'univers sonore du film avec la bande originale assez angoissante signée Vladimir Cosma mais surtout quelques brillantes idées de mise en scène comme cette morne et angoissante tonalité de téléphone décroché qui va accompagné toute une scène durant laquelle Elaine rentre chez elle en retard avec l'angoisse de ne pas pouvoir joindre sa fille restée seule. Autre gimmick sonore très angoissant et utilisé à merveille avec le cliquetis métallique de la boite à musique que la fille des Bronsky tient toujours avec elle et dont elle fait tourner machinalement et lentement la manivelle.


Avant d'explorer les défauts du film, on va continuer d'en énumérer les points positifs avec tout d'abord son excellent casting. Le couple David et Elaine Briand est interprété respectivement par Jean Pierre Bacri et Nicole Garcia et si lors des premières scènes de dispute conjugale peut être un poil trop écrite et rigide on a un peu de mal à y croire les deux finiront par trouver au fil du récit et de leur calvaire une vraie et belle complicité. Jean Pierre Bacri est impeccable dans le rôle de cet architecte rattrapé par son passé et tentant de se débattre pour protéger sa famille, mais je reste un peu plus réservé concernant Nicole Garcia notamment lors du final du film durant lequel son interprétation manque pour moi d'intensité dramatique surtout par rapport aux situations qu'elle traverse avec une inapproprié et relative désinvolture. Quant à Cerise Leclerc (Découverte dans La Smala) qui incarne la petit Cric, difficile de ne pas saluer sa performance tant j'imagine que ce qu'elle subit à l'écran ne devait pas toujours être facile à jouer pour une gamine de sept ans. Du coté obscur de la force le couple Bronsky est interprété par l'excellent second rôle Jean Pierre Bisson et par une étonnante Dominique Lavanant en véritable garce. Peut être un peu chargé physiquement avec son bras en moins et sa démarche claudicante le personnage de Cappy Bronsky fait vraiment figure d'homme de basse besogne dans un récit d'épouvante gothique lorsqu'il s'avance le dos voûté sous une pluie battante, en tout cas Jean Pierre Bisson est très bon dans le rôle de cet inquiétant personnage semblant toujours quémander un peu de l'aide et de la générosité des autres. Mais celle qui s'impose véritablement c'est Dominique Lavanant dans un savoureux rôle à contre emploi de véritable garce hautaine et machiavélique et franchement voir l'interprète de Sœur Thérèse.com jouée à Sharon Stone en se léchant du yaourt sur les doigts ça mérite son petit coup d’œil. En tout cas découvrir la plutôt sympathique et positive actrice de comédie dans un rôle tellement détestable que l'on aurait envie de l'étrangler montre à quel point la comédienne est parvenue à faire oublier son image pour se fondre dans le rôle. Le reste du casting est aussi très bon avec Etienne Chicot et Jean Pierre Malo ainsi que la jeune Céline Vauge qui incarne la fille du couple Bronsky, une sorte d'enfant poupée mutique au teint blafard de porcelaine mais capable de montrer à l'occasion une véritable empathie pour les victimes notamment pour la jeune Cric.


Mort Un Dimanche de Pluie est un très bon film qui parvient à générer une véritable tension et un suspens qui monte crescendo dans l'horreur mais le film n'est pas malheureusement dénué de quelques défauts pas vraiment rébarbatifs mais assez gênants. Le personnage interprétée par Nicole Garcia a la bien mauvaise idée de travailler pour un studio d'enregistrement, alors bien sûr cela justifie pleinement dans l'histoire qu'elle s'éloigne de la maison et laisse sa fille seule avec l'immonde madame Bronsky mais cela nous impose surtout d'innombrables séquences musicales de variétoche disco-pop assez imbuvables et qui viennent un peu casser la tension savamment distillé et mise en place. Et puis surtout le final n'est pas tout à fait à la hauteur de toute la tension mise en place durant tout le film afin de nous préparer à l'inévitable confrontation brutale entre les deux famille. Comme déjà évoqué plus haut et contrairement à Jean Pierre Bacri convaincant dans l'exercice, Nicole Garcia n'a pas trop le charisme ni la densité pour affronter l'horreur dramatique qui explose face à elle et la contraint à riposter avec violence. Le film s'achève même d'une manière pas vraiment convaincante au regard de toute la noirceur mise en place auparavant.


Mort Un Dimanche de pluie est un excellent petit thriller tendance horrifique à la française, même si le film comporte des maladresses il offre une vraie tension et quelques images qui vous hanteront longtemps. Vivement une édition DVD digne de ce nom pour ce film un peu injustement oublié.

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le 27 sept. 2023

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Freddy K

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