Miller, Audiard et Serrault doublent la mise apres le succes de "Garde A vue". Une large somme de talents et d'argent est mise en vitrine de ce film: réalisateur, directeur de la photographie, casting "all-stars" , dialogue, extérieurs et intérieurs, cadrage, musique, tout ici est de grande classe. Mais cette belle production est mise au service d'un scénario inepte. En d'autres mots , voilà un édifice fastueux construit sur de maladroits pâtés de sable. Détails ci-dessous.
Le scénario consiste en une bonne idée mais non développée, repettée sans fin le long d'une intrigue abracadabrante. Une fois la faible prémisse de départ installée, chaque scène accumule de nouvelles invraisemblances, et le spectateur realise tres vite que la trame tient en quelques minutes et que des apprentis conteurs d'histoires sont en train de lui servir deux heures de la même scène répétée sans fin dans des décors différents. Il me semble qu'il s'agit la d'une tentative maladroite de batir tout un scenario afin de justifier une our deux scenes finales que les auteurs avaient en point de depart de leur inspiration.
Le dialogue d'Audiard devient le dernier ressort par lequel les auteurs comptent maintenir l'interet, mais il sombre tres vite dans le verbiage inutile. Et les interminables (et tous identiques) soliloques récités par Michel Serrault ne parviennent a meubler de facon interessante. Michel Audiard signe ici (avec son fils) une de ses dernières œuvres et on voit bien qu'il est sur le déclin.
J'ai personellement abandonné à la moitié : puisque tout est prévisible et tourne à vide, j'imagine très bien comment ça finit.
Pour le reste de la production : on trouve un film produit avec grand luxe qui est en général bien beau à regarder. Adjani, Serrault, ainsi que la plupart des acteurs sont bons. Claude Miller sait les mettre en valeur et il parvient aussi à instaurer un réel climat de film noir (il est un réalisateur au savoir-faire sous-estimé). Pour ces raisons, le film fut un succès commercial à sa sortie ; le public de l'époque qui découvrait pour la premiere fois un fastueux néo -noir français pardonna l'amateurisme de l'écriture.
Pour conclure, un scénario, c'est juste de l'encre sur du papier ; c'est fait pour être retravaillé, jeté à la poubelle et recommencé jusqu'à ce qu'on obtienne quelque chose d'engageant. Si vous voulez, c'est l'équivalent du plan de construction de l'architecte à partir duquel on peut ensuite décider de bâtir (ou de ne pas bâtir ) une production. Alors donner le feu vert à un script aussi faible, c'est commettre un gâchis de talent et de main-d'œuvre prémédité. Cela était dans l'intérêt des producteurs a l'époque. Mais le spectateur d'aujourd'hui trouvera facilement un meilleur néo-noir. Ou un meilleur Adjani. Ou un meilleur Serrault. Ou un meilleur Miller. Ou un meilleur Audiard... selon ce qui vous a amené à ce film.