Mosquito Coast
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Le cinéma de Peter Weir n’a de cesse de représenter l’homme engagé dans sa volonté farouche, pareille à un entêtement déraisonné, de repousser les limites de la connaissance et de sa condition d’être humain mortel. Dans le cas de The Mosquito Coast, c’est un père qui décide d’embarquer sa famille dans un long voyage au-delà des frontières et en deçà d’une société américaine qui a dégradé la civilisation en entité consumériste internationale ; il s’agit bien de refonder une civilisation et donc de restaurer l’idée de civilisation au contact des populations indigènes.
Le cinéaste prend le soin de composer un personnage principal antipathique dont l’aveuglement est d’autant plus grand qu’il s’érige en rempart contre toutes les formes de dogmatisme, à commencer par les missions religieuses avec lesquelles il doit composer pendant son périple. Allie Fox est un idéaliste fanatique, et comme tout fanatique il se définit par rapport aux autres qu’il dénigre et par une vision du monde nourrie de mensonges et d’idées reçues paranoïaques. Ce faisant, Weir interroge la responsabilité et du père sur sa famille, puisque celui-ci exerce sur elle une emprise pouvant être néfaste et allant jusqu’à la mettre en danger, et de la famille sur un père qu’elle adoube sans jamais oser le critiquer ou le contester. La figure maternelle reste passive, soumise, occupée seulement des enfants.
Nul hasard, par conséquent, si Allie se compare au docteur Frankenstein : ses inventions, au demeurant brillantes, font de lui un créateur de monstres et de chimères, entendues ici telles des illusions à retombées collectives, capables d’embarquer une famille, un village voire une zone géographique. Sa machine devient un corps organique, chacune des pièces le constituant un membre actif dans l’activité de celui-ci. Sa nature monstrueuse, à l’image de celle de son créateur, se voit explicitée lors de la séquence du piège nocturne tendu aux trois bandits : donner la vie, la reprendre à sa guise. Le châtiment suprême n’attend pas et ouvre la voie à une série de revers qui confrontent l’anti-héros et les siens à la précarité de leur condition et à l’hypocrisie de leur démarche.
La clausule convertit avec audace le tragique d’un père frappé par un destin qui l’écrase en une énergie épique, celle d’une délivrance et d’un raccord au monde dans son infini fondamental. Il aura fallu tuer le modèle, une balle dans le torse ou un coup de couteau dans le dos – menace proférée à plusieurs reprises par le cadet –, pour s’affranchir des dogmes paternels et embrasser le monde tel qu’il est, avant peut-être d’y projeter à son tour ses propres fictions et de les transmettre comme une maladie. D’où la narration faite du point de vue du fils aîné, qui se construit et se construira par rapport à son père. Un grand film sur la démesure et le besoin qu’a l’homme d’habiter le monde par la fiction – ses fictions.
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le 18 juil. 2021
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