La nostalgie a toujours eu le don de diviser, surtout à l'heure la démocratisation des IA et des algorithmes qui développent et cultivent cette nostalgie pour répondre à des demandes utilisateurs. Entre ceux qui condamnent sans retenu et ceux qui vivent très bien avec, il en vient rapidement une forme malaise quant il s'agit de traiter du passé. Pour ce qui s'agit de l'animation, je ne sais jamais trop où me placer. S'il y a des œuvres qui savent être remarquable artistiquement, j'ai du mal à ne pas voir que le style rétro est parfois gadget pour cacher un énième film/jeu qui n'apporte rien d'original. Dans le style, j'ai de plus en plus de mal avec le style rubber hose que je trouve sur-exploité et parfois utilisé pour tout et n'importe quoi depuis le succès monstrueux de la franchise Cuphead. Je trouve alors intéressant de voir émerger des œuvres indépendantes traitant d'un style qui est devenu "grand public" (malgré que celui-ci soit foncièrement à contre-courant des normes actuels, il est tellement utilisé qu'on peut considéré qu'il est rentré dans la sphère du commun). C'est ainsi qu'en 2022 on a pu découvrir Mr.Pete & The Iron Horse au NIFFF, un court métrage suisse qui est reparti avec une nomination pour le Méliès du meilleur court métrage européen.
Le film a été réalisé méticuleusement pour que la référence, bien qu'elle soit très appuyé, n'influe pas sur l'immersion dans le récit. On ressent une forte influence des web cartoons pour adultes, et on pourrait créer des parallèles avec un certain humour noir et mordant que peut avoir des séries comme Peepoodoo en France. Si le film utilise le style rubber hose en grande parti en hommage à l'univers Cuphead dont certains traits de personnages sont presque directement tirés, il ne s'enferme pas tant dans la référence populaire, et va s'affirmer à travers un travail approfondi du style. Il ne sera pas tant étonnant d'avoir des phases épisodique, où l'on va voir l'évolution de différents personnages à travers des scénettes, mené à se répéter, qui partagent un même dispositif de mise en scène, renvoyant au cinéma du studio Fleischer. Tout cela est très bien mis en valeur par une animation léché et très élégante.
Le soucis étant que le style, et la citation de manière général, prend le pas sur le reste. On ne voit plus qu'un melting pot d'un style que l'on a déjà vu ailleurs, et même lorsque le film se décide à lâcher le style graphique pour plonger dans quelque chose de plus dure, on n'arrive pas à ne pas voir Cuphead. Le film prend par moment des allures de jeux vidéo, d'une part par son dispositif et son système de boss et de sous-fifre combattant une personne sans défense dans un train, mais aussi dans les références avec une scène de bouleversement des valeurs qui fait penser au climax dans les films Indiana Jones. Le plus gros soucis reste le propos de fond ou le manque d'affirmation de ce propos qui laisse place à l'hommage. Le film n'est plus tant une œuvres développant un message personnel qu'une œuvre rendant hommage à un style. On cherche à reprendre un propos sur l'oppression des petites mains par des figures d'autorités au nom du pouvoir, mais la chose est trop maladroitement faite pour que cela marche. Il y a beau y avoir le Snowpiercer (ce qui est déjà bien lourd en terme de sens pour ce que le film n'en fait), le film n'exploite pas la hiérarchie qui y est instauré, et les seuls "petites mains" que l'on voit sont celle du personnage principal qui a plus l'air de vouloir renverser la table par extériorisation de souffrances personnels (à la manière d'un Joker) plus qu'à un soulèvement populaire sous-entendu par la présence du train.
Le film devient alors très maladroit et inoffensif dans son propos, mais ce n'est pas tant pour son mal. Il s'en dégage quelque chose de très jouissif et régressif dans le pitch même du film, que celui-ci arrive à délivrer sans trop de mal, et le film devient très divertissant retiré de tout essai de propos de fond qui, au final parait superflu et vain. Le ton du film et l'univers se voulant tellement dans l'excès qu'il est impossible de réfléchir à quelque chose d'intelligent, ce qui favorise une appréciation très simple d'esprit où on aime voir un jeune buter des gens dans un train dans un style rétro plutôt bien fait.
11,5/20
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