Road-movie sur le thème de la filiation, Mr. Pig est un film libérateur et attachant qui narre l'amour d'un vieil éleveur de cochons (Ambrose) pour sa plus belle bête. Endetté et poursuivi par les banquiers, il part en voyage avec elle à travers le Mexique, obstiné à vouloir lui transmettre le meilleur destin possible avant de s'en séparer.
La structure du film se divise en deux parties: si la première aborde la relation presque paternelle entre l'éleveur et son dernier cochon, la deuxième, qui voit apparaître la fille de l'éleveur (Eunice), jusqu'ici hors champ (au téléphone dans la scène liminaire), inverse les rapports entre les personnages. En effet, alors qu'Ambrose conduit jusqu'ici son animal vers une autre vie, Eunice prendra par la suite le volant du van pour guider son père vers une fin digne. Ce chemin, qui a plus de valeur que le but en soi, les réunira enfin et débouchera sur une des plus belles scènes, la dernière, dans un cadre splendide ressemblant à un paradis naturel.
La mise en scène de ce jeune réalisateur mexicain, Diego Luna, se révèle parfois surprenante. On pense par exemple au montage sonore, dans le van, pendant la traversée de la Californie puis du Mexique, qui accompagne Ambrose; aux rencontres pendant ce voyage, comme celle avec les policiers corrompus («los puercos», 'les porcs', en argot mexicain), d'un humoir noir, montrant le cynisme des institutions; les dialogues (ou plutôt les réflexions à haute voix) entre l'éléveur et son porc; à l'ambiance créée par ce désert, décor halluciné, qui sied à merveille à la solitude de l'éleveur.
Cependant, la deuxième partie, ralentit le rythme et le mouvement régulier fait de haltes mais aussi de rencontres, de surprises, … du road-movie. Le personnage d'Eunice, certes touchant par sa dévotion envers son père jusque là absent, se révèle être un frein à la dynamique du film mais aussi à sa cohérence, étant donné que l'histoire du cochon, jusque là au centre du récit, se retrouve reléguée au second plan, voire même oubliée, au détriment d'une trop convenue relation père/fille. On regrettera donc le manque d'audace, qui avait pourtant marqué les premières scènes, de Diego Luna, et ce dédoublement de l'intrigue qui nuit à l'harmonie diégétique et à sa fluidité.