Apparu au milieu des années 1980, où le cinéma français souffre d'une très nette baisse de vitalité, Leos Carax aura suscité de nombreux espoirs avant de devenir la bête noire d'une grande partie de la profession. On se souvient de Jean-Luc Godard interviewé dans une émission de Thierry Ardisson au crépuscule des années 80 souhaitant, dans une certaine ironie désabusé, « du courage » au jeune cinéaste. Des mots qui résonneront comme une cruelle prédictions puisque dans le même temps, Carax lancera la production des Amants du Pont-Neuf, sans doute son chef d'oeuvre, qui demeurera un cas d'école dans l'histoire du cinéma et un des plus gros gouffre financier. Il faudra l'intervention de Christian Fechner pour recouvrir les dettes et permettre de débloquer le film. S'ensuivra alors une première absence qui mènera à Pola X qui, a sa sortie, sera un échec cuisant, beaucoup d'admirateurs du cinéaste ayant eux même du mal à aimer le film. Ne trouvant plus aucun financement, il faudra attendre treize ans pour qu'une nouvelle œuvre voit le jour (grâce à l'appui d'un certain Nicolas S. si on en croit les proches du cinéastes) par l'intermédiaire du génial Holy Motors, gigantesque déclaration d'amour au cinéma aux accents de lettre d'adieu.
Pour les 30 ans de la sortie de son premier opus, Boys Meets Girl, le cinéaste devient l'objet d'un documentaire. Celui-ci s'ouvre ironiquement par la standing ovation à laquelle eu le droit Holy Motors à sa sortie, le sourire pincé du cinéaste sonnant comme une revanche prise sur le passé et la profession à laquelle il appartient. On ne pouvait qu'être alléché par la perspective d'un reportage tentant de percevoir la personnalité d'un des cinéastes les plus secrets actuellement en vie. Malheureusement, le documentaire n'apporte que peu d'éléments réellement consistants pour satisfaire l'admirateur. Il faudra d'ailleurs être familier de l’œuvre en question au risque d'être clairement perdu par un film qui s'amuse à complexifier sa construction, même si cela sonne plus comme de la superficialité qu'autre chose. A base de petites phrases sorties de leur contexte (la plupart des intervenants ne prononcent qu'une ou deux phrases de tout le reportage), le film donne la désagréable impression d'être une hagiographie de commande. On croirait la réunion de quelques amis ou collègues assénant, sans contre point, que Carax est nécessairement un génie et que toute pensée contraire est forcément bête et fausse. Quand bien même on aime le cinéaste et son œuvre, une vision aussi étriquée finit par lasser et laisse le sentiment de passer complètement à côté de la complexité de Carax. Il aurait été beaucoup plus intéressant de confronter admirateurs et détracteurs pour tenter ainsi de faire ressortir quelque chose de plus instructifs qu'une simple illustration des grandes lignes de sa carrière. Le spectateur ayant révisé ses bases en Leos Carax n'apprendra rien, les autres seront sans doute laissé sur le bas coté. Dommage, il y avait sans doute matière à livrer un très bon document.