16 juin 1960, sur la place publique de Mueda, au nord du Mozambique, une poignée d’indépendantistes est arrêtée après avoir tenté de discuter avec les administrateurs du pays colonisateur, le Portugal. Une manifestation spontanée de la population tente de les soutenir mais, sur ordre du gouverneur, six cents personnes sont abattues par l’armée portugaise. Ce massacre marque le début de la révolution mozambicaine, avec la création du parti indépendantiste FRELIMO en 1962, le début de la guerre d’indépendance en 1964, et l’indépendance du pays en 1975. Lire la suiteDepuis la libération, tous les ans, une représentation théâtrale de cet événement est jouée par les habitants de Mueda, incarnant à la fois indépendantistes, spectateurs, et colons. C’est cette commémoration annuelle qu’a filmé le cinéaste Ruy Guerra, signant ainsi le premier long-métrage de fiction du Mozambique indépendant.
Une satire des colons
Introduit par le leitmotiv «Viva FRELIMO», qui encadre la représentation théâtrale, le film est calqué sur la pièce, interprétée en plein air et dans le bâtiment où a eu lieu le drame. Sans s’exonérer de la dimension tragique de l’histoire, le sujet est traité de manière comique, jouant sur l’exagération et la satire. Les colons portugais sont parodiés, à l’image de l’administrateur à l’allure bedonnante et au nez crochu. Les dialogues sont caricaturaux : «Ils ne savent pas que nous les avons descendus des arbres», répond-t-on à un couple venu demander l’indépendance. La représentation est complétée par des témoignages du massacre, qui n’apparaissent pas dans la pièce, renforçant la dramaturgie. Mueda, Memória e massacre est une célébration qui fait place à la commémoration, un devoir de mémoire, que Ruy Guerra immortalise avec beaucoup de pudeur.