Au fil des années, j'ai fait de Mulholland Drive un culte.
Première vision houleuse avec ma soeur à 19 ou 20 ans.
Trop jeune, trop immature.
Rien compris.
Le film me passe au dessus de la tête, ou sous les pieds.
Autant d'impact qu'une brisette. J'oublie vite.
3 ou 4 ans plus tard j'ai développé une bonne culture cinématographique.
On m'a appris à regarder des films, que rien n'était du au hasard, tout était réfléchi et calculé, enfin plus ou moins.
Je m'intéresse à Lynch après Dune et Elephant Man.
Je re-visionne Mulholland Drive sans aucun autre souvenir que l'incompréhension.
Je suis attentif.
Choc intellectuel.
J'y repense j'y repense.
Je me renseigne un peu sur diverses analyses du film.
Je suis impressionné par ce que je découvre, quelle profondeur d'esprit!
Je regarde le film une troisième fois, détendu, connaissant les astuces.
Je me laisse aller, je me laisse transporter sur ce chemin sinueux.
Choc émotionnel.
Au fil des années, je regarde peu ce film, par peur.
La troisième vision était si intense, j'ai peur de ne plus ressentir ce truc.
Mais chaque fois que je retente le coup, c'est toujours aussi fort.
Dernièrement, j'ai l'opportunité de le voir au cinéma, lors d'une séance unique.
Je cours.
Condition du moment : J'ai pas vu le film depuis 4 ou 5 ans, pas en entier du moins, j'ai encore gagné en maturité, en expérience cinématographique, je suis moins perché qu'avant, et j'y vais avec ma compagne qui attrape vite l'endormissite aiguë devant ce genre d'oeuvre, et quand il s'agit de mon film préféré qu'elle n'a jamais vu, ça me stress, ça la stress aussi, et du coup je sais qu'on va chacun y penser quand il y aura des longueurs, et ça va m'empêcher de vivre le truc à fond.
Je regarde le film.
Il y a de sacrés longueurs certes (cf ma compagne), mais putain quelle intensité émotionnelle, quel réalisme émotionnelle, quelle direction d'acteurs, quel film unique.
Je suis dépassé par l'intemporalité du truc.
Sa magie ne disparaitra jamais, une émotion ne vieillit pas, elle peut être atténué, mais elle ne vieillit pas.
Et Mulholland Drive ce n'est que ça, un rêve étrange, un puis sans fond qui nous crache à la gueule sa lugubre profondeur, mais une noirceur qui cache une terrible beauté émotionnelle du moment que l'on ne cherche pas à se rattraper quelque part.
Personne d'autre que Lynch ne sait mieux retranscrire la profondeur de son âme, et au sein de Mulholland Drive, c'est merveilleux.
Je termine par une phrase des Inrocks que je trouve parfaite:
"On n’a pas fini d’épuiser les multiples lectures et jouissances de ce pur objet de fascination."
Silencio.