Est-ce que Mulholland Drive donne l’impression d’un chef d’œuvre durant 90 % de son temps d’écran ? Pas tellement. Est-ce qu’il est clair dans ses intentions ? Non (et c’est peu de le dire). Est-ce qu’il a vocation à l’être ? Non plus.
Et c’est là toute la virtuosité de ce film qui ne se comprend que dans les ultimes minutes. C’est bien plus qu’un film, c’est une expérience, quelque chose que le cinéma n’a pas l’habitude (le cran ?) de proposer. Voilà une œuvre exceptionnelle qui condense de nombreux genres en un seul film avec brio. Voilà une œuvre qui nous balade dans tous les sens pendant plus de deux heures et prend un malin plaisir à jouer avec nos nerfs. Le tout pour un résultat final saisissant, qui prend aux tripes, qui relève honnêtement du génie.
Beaucoup de choses sont réussies dans ce film. La photographie nous happe dans cette atmosphère troublante et mystérieuse que l’on essaie de déchiffrer. La musique est absolument sous-cotée et colle parfaitement à cet univers, à cette ambiance si singulière. Les actrices (et acteurs) sont excellents, la mise en scène est géniale, le montage nous perd absolument et nous fait voyager dans l’incompréhension, le burlesque, l’horreur, la psychologie…
Mais alors, ce scénario… Quel scénario ! C’est exquis, c’est superbe, c’est incroyable mais vrai. Difficile de réaliser ce que l’on vient de regarder lorsque le film se termine et que l’on cherche à remettre de l’ordre dans tout ce qui vient de se passer.
Et c’est cette phase-là, cette réalisation tardive de l’intérêt du film, de sa complexité et de son mystère constants, qui nous donne une immense claque. Mulholland Drive fait incontestablement partie des films à voir une fois dans sa vie — quoique deux voire trois fois ne seront pas du luxe pour décortiquer le tout !
Un chef d’œuvre, unique en son genre, qui tente des choses risquées à plus d’un titre, qui manque de vous perdre par moments (c’est un euphémisme), mais qui vous fait assurément oublier le moindre défaut par son génie une fois le générique de fin lancé et l’ô combien nécessaire période de réflexion le suivant terminée.
« Quelle trouvaille, quel film extraordinaire… ». Non, ce ne seront pas vos pensées pendant 90 % du film, mais ayez confiance : Mulholland Drive vous saisira et vous retournera.