Jeremy Saulnier est un réalisateur que je suis avec attention tant son Blue Ruin (2013) et son Green Room (2015) m’ont marqué. Avant de voir son dernier film en date, Aucun Homme ni Dieu (2018), j’ai préféré me lancer dans son tout premier film, Murder Party (2007). Une bobine qui dénote pas mal du reste de sa filmographie puisque qu’il s’agit ici d’une comédie horrifique bien barrée, là où les autres films cités précédemment sont bien plus sérieux. Tourné avec un budget famélique, épaulé par famille et amis, Murder Party nous montre déjà les prémices du talent de Jeremy Saulnier caméra à la main même si, il faut dire ce qui est, ce premier film est relativement bancal. Néanmoins, il a pour lui un côté très attachant, vous savez, ce genre de films qu’on sait très imparfaits mais qu’on ne peut s’empêcher de trouver sympathiques.
Écrit en 2005, tourné en 2006, pour une sortie en 2007 après être passé dans pas mal de festivals, gagnant même certains prix dont celui spécial du jury au Slamdance film Festival de 2007, Murder Party pourrait être défini par une des répliques du film : « Bienvenue à ton meurtre ». C’est l’histoire de Chris, un pauvre type seul qui, le soir d’Halloween, alors qu’il erre un peu dans la rue, trouve par terre une invitation pour une fête, la « murder party ». Alors qu’il s’apprête à passer le soir du 31 octobre en compagnie de son chat, d’un saladier de bonbons et d’un film d’horreur, il se dit que passer la soirée en compagnie, même avec des inconnus, ça sera toujours mieux. Il se fabrique un déguisement de fortune en carton, et part arpenter les rues à la recherche de l’adresse de la fameuse party. Le voilà arrivé dans une ruelle très sombre devant ce qui semble être un hangar. Il entre, et se fait immédiatement sauter dessus par un groupe d’individus louches qui le bâillonnent et le ligotent à une chaise. Il va vite se rendre compte qu’il s’est mis dans un sacré pétrin puisque les individus, alcoolisés et poudrés, ont des intentions plutôt néfastes envers son intégrité physique. Ces derniers parlent d’art, de chef d’œuvre de l’art, d’art absolu, d’art comme acte par lui-même. Mais pour atteindre cet objectif, ils doivent tuer Chris et immortaliser cet instant. Il doit s’échapper de là, mais comment ? Lorsque des clashs commencent à apparaître chez les différents « artistes », il y voit là sa porte de sortie…
Murder Party est en quelques sortes un huis-clos dans un entrepôt dans lequel tous les personnages sont complètement fous, chacun à sa façon, dans lequel vont régner en maitre l’humour noir et cynique, situations complètement absurdes et barrées, et critique assez sympathique de ce que peut être l’art poussé à son extrême. Budget quasi inexistant, au point que dans l’équipe technique, chacun va occuper plusieurs postes, que les acteurs sont quasi tous des amis de lycée ou des membres de la famille du réalisateur, ou qu’une bonne partie des effets spéciaux initialement prévus n’ont apparemment pas pu être intégrés, Murder Party a vraiment des airs de film sans le sou. Pourtant, il fourmille d’excellentes idées (le masque de loup qui fusionne avec le personnage suite à un « accident » de cigarette par exemple) qui, même si elles ne sont pas toujours très bien exploitées, donne un côté bien fun au film. Le développement du film n’est pas très optimum. Il a un côté assez brouillon, un peu comme si le réalisateur, peut-être à cause de son maigre budget, n’avait pas réussi à faire ce qu’il avait vraiment voulu faire. On a parfois cette impression de remplissage, avec des scènes qui trainent trop en longueur (la scène de confidence sous sérum de vérité) ou des dialogues, pourtant très bien écrits (et souvent improbables), mais qui s’étirent artificiellement. Et ce malgré la très courte durée de 1h19 génériques compris ! Murder Party aurait clairement été bien plus équilibré en moyen métrage. Et c’est dommage car le jeu d’acteur parfois atypique, les effets spéciaux à l’ancienne (même si souvent hors champ, toujours à cause du budget) et les situations cocasses donnent vraiment un côté très attachant au film.
Avec ce premier film, Jeremy Saulnier signe une comédie horrifique loufoque très bancale mais néanmoins divertissante. C’est original, parfois très frais, presque amateur par moment, mais l’ensemble est néanmoins parasité par des moments un peu trop longuets.
Critique originale : ICI