Des choses gentilles à dire sur ce film
D’un côté, une héroïne super badass qui libère un mastodonte de sa prison-laboratoire aux couloirs rapidement envahis de zombies et tapissés de cervelle, de l’autre un sympathique quidam qui se remet lentement mais sûrement de sa teuf de la veille et qui, tandis qu’il se refait le film de la soirée le sourire aux lèvres, se rappelle progressivement que celle-ci s’est terminée par l’irruption de goules dans son appartement. En deux scènes d’exposition, l’ambiance est posée, le ton est donné : Mutant Blast sera gorasse, Mutant Blast sera pêchu, Mutant Blast sera fun... Et comme l’annonce la rencontre programmée entre Maria (Maria Leite), l’héroïne grincheuse au grand cœur, et Pedro (Pedro Barão Dias), le boulet, lors de la séquence suivante, qui se conclut par la mort malencontreuse du prisonnier aux muscles dorsaux surdéveloppés qui l’empêchent de marcher (dignement), Mutant Blast sera aussi inattendu.
La qualité première de Mutant Blast, c’est qu’une fois, sur les rails, le film ne s’arrête jamais. Les idées saugrenues y font plus que s’enchaîner, elles servent de tremplin les unes aux autres : à titre d’exemple, la piste de la comédie horrifique à base de zombies est balayée en même temps qu’eux par le souffle de l’explosion (accidentellement atomique) sensée les faire disparaître. Les attaques urbaines laissent place à du road buddy movie post-apo. Les zombies laissent place aux mutants. Et Pedro et Maria de continuer leur bonhomme de chemin l’un avec un rat en guise de main, l’autre avec un nombre inhabituel d’oreilles...
Production Troma oblige, les retombées nucléaires donnent davantage lieu à des délires potaches qu’ils ne dépeignent un environnement malsain. Ce qui n’empêche pas Fernando Alle d’aborder (gentiment) la question de l’impact de l’être humain sur ce qui l’entoure par le biais notamment de Jean-Pierre (João Vilas), un mutant qui n’a pas évolué de l’être humain vers le homard mais bien un homard qui a dégénéré en humain. À la manière de Guy Mann, le lézard garou de l’épisode de The X-Files Mulder and Scully Meet the Were-Monster, Jean-Pierre se pose comme une réponse malicieuse à un anthropocentrisme ravageur. Cependant, Mutant Blast n’est pas un pamphlet, c’est surtout un gros délire : Jean-Pierre dénonce tout autant la stupidité des humains et leur obsession autodestructrice pour le pouvoir qu’il s’en prend au dauphins, épargnés pour être mignons et qui n’en sont pas moins des « fils de poutes » - en français dans le texte puisque Jean-Pierre est un homard français -.
Peu importe le degré de critique, il se dégage des passages avec Jean-Pierre la volonté de prendre à rebours le réflexe de considérer un hybride humain/animal avant tout comme humain. Et Fernando Alle utilise le ressort de l’inversion plus largement dans la caractérisation des personnages. En effet, c’est une femme, ici, le personnage légèrement renfrogné, solide mais au cœur tendre, et un homme, le boulet qu’il faut surveiller comme le lait sur le feu... Jusqu’au final même qui reprend les scènes habituelles où le héros, après s’être fait flingué par un partenaire féminin qui cherche à aider, psalmodie « Ne m’aide pas ! Ne m’aide pas ! » dans une scène particulièrement jouissive où Maria, folle de rage après que Pedro lui ait mis une balle dans le nichon, envoie prestement au tapis l’adversaire contre lequel elle galérait jusque-là, l’exécute après avoir pris le flingue des mains de son partenaire tout en l’engueulant copieusement « fácil ! fácil ! fácil ! » avant de sortir du champ en lui faisant un doigt.
L’inversion de valeurs seule n’est cependant pas la seule chose qui fait le sel des personnages. Fernando Alle ne se contente pas de reprendre des situations et des traits types qu’il intervertit. Les personnages sont définis juste ce qu’il faut pour qu’on ait envie de les suivre, Maria est forte sans être arrogante, elle affiche parfois une fragilité juvénile de gamine qui a grandi trop vite, Pedro incarne l’insouciance bonhomme, le héros maladroit un peu sidekick comique sur les bords sans en avoir la lourdeur ni l’artificialité. On ne sait pratiquement rien d’eux mais en quelques lignes de dialogue et quelques situations, Alle les rend terriblement attachants. L’interprétation de Maria Leite et Pedro Barão Dias n’est pas étrangère à ce ressenti. Naturellement la galerie de personnages qui gravitent autour, du groupe de mutants hérités de Freaked aux décideurs de bunker, pour être tout aussi peu développés, n’en sont pas moins tout aussi fabuleux.
Mutant Blast n’a rien de vraiment transcendant mais tout y fonctionne à merveille, il y a du rythme, il y a deux trois éléments inattendus, c’est sympathiquement sale, on se marre de bon cœur, on a des personnages qu’on prend plaisir à suivre... et c’est quand même très très très agréable.
Hum... ce film ne compte assez d'ingrédients pour jouer au bingo avec une grille de 36 cases, mais voilà quand-même les 21 ingrédients repérés
Personnage > Agissement
Bagarre > Atteint/blesse/tue un·e allié·e en voulant l’aider – Mort > Meurt dans les bras d’un autre personnage – Mort > Tombe d’une balustrade après s’être fait flinguer – Se réveille avec la gueule de bois – Stylé > Balance une petite phrase avant de tuer une personne (ou après)
Réalisation
Caméo – Habillage > Incrustation de texte sur l’écran : lieu, date, heure, etc. – Technique > La caméra bouge pour simuler un tremblement de terre ou une secousse – Vision subjective > Personnage qui reprend connaissance
Réalisation > Accessoire et compagnie
Arme > Clic au lieu du Bang – Est éclaboussé·e par un fluide
Réalisation > Audio
Ambiance sonore > Alarme stridente de vaisseau spatial/laboratoire/base secrète – Bruit exagéré > Écho – Musique > Classique – Musique > Pas de militaires sans roulement de tambour
Scénario > Blague, gag et quiproquo
Interprétation > Se cache/ferme les yeux devant une chute, un accident, une maladresse, etc.
Scénario > Élément
Amputation pour stopper une contamination – Mort > Stupide
Thème > GI Joe
Répond > « Affirmatif !/Négatif ! »
Thème > N’importe quoi
Carton-pâte > Le regard des personnages ne porte pas au-delà du champ de la caméra – Stylé > Prend une graaaande inspiration avant de revenir à la vie
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Barème de notation :
1. À gerber
2. Déplaisir extrême et très limite sur les idées véhiculées
3. On s'est fait grave chier
4. On s'est fait chier mais quelques petits trucs sympas par-ci par-là
5. Bof, bof ; pas la honte mais je ne le reverrais jamais ; y'a des bons trucs mais ça ne suffit pas
6. J'ai aimé des trucs mais ça reste inégal ; je pourrais le revoir en me forçant un peu
7. J'ai passé un bon moment ; je peux le revoir sans problème
8. J'ai beaucoup aimé ; je peux le revoir sans problème
9. Gros gros plaisir de ciné
10. Je ne m'en lasserais jamais