Troisième film de Charles Burnett que je vois après Killer of Sheep (1977, celui qui jouit de la plus grande renommée) et To Sleep with Anger (1990, témoin d'une mauvaise conscience afro-américaine), et de manière très surprenante, sans que je ne m'y attende, c'est sans doute celui qui m'a le plus touché. Probablement le plus maladroit des trois, celui qui a subi le plus de retouche au fil du temps aussi car Burnett n'avait pas pu gérer la production correctement au début des années 80 et en a proposé une nouvelle mouture dans les années 2000, allégée de près de 30 minutes par rapport à la version originale. Maladroit dans son montage donc mais un peu aussi dans le portrait fait du protagoniste Pierce, tiraillé entre plusieurs aspects de la vie au sein de la communauté noire américaine.
Le film met au centre de ses enjeux les différentes sources de pression qui s'exercent sur ce jeune homme, en provenance notamment de la famille et de tout le lot d'impératifs qui en découlent, entre l'aide professionnelle envers sa mère au pressing ou encore l'assistance pour ses grands-parents en situation de dépendance. Très vite, un dilemme se pose avec la sortie de prison de l'un de ses meilleurs amis, et met en confrontation ses propres aspirations, au sein des populations défavorisées dans lesquelles il a grandi, et les aspirations de son frère avocat, marié à une fille elle aussi avocate et issue d'une famille aisée de la middle class.
Une autre forme de maladresse émerge du casting essentiellement non-professionnel, mais cette dernière pourra se révéler beaucoup plus attachante pour qui y est sensible — les acteurs sont globalement assez convaincants dans leurs rôles. On pourra regretter le côté un peu trop didactique du film, sur le thème du conflit de classes au sein des catégories les moins privilégiées de la population, mais jamais le ton employé par Burnett ne se fera trop lourd. Au contraire, My Brother's Wedding laisse s'échapper quelque chose de très intéressant et appréciable dans la description de la réalité du quotidien dans un ghetto noir des années 80 aux États-Unis, loin des représentations propres à la blaxploitation ou aux productions plus fortunées. La tendresse qui domine et alimente une sorte de poésie réaliste est à mon avis cruciale dans la réussite du film.
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