Pour cette dixième réalisation de Richard Eyre, l’auteur et scénariste Ian McEwan adapte son propre roman, « The Children Act » (2014), « L’Intérêt de l’enfant » (2015), titre qui fait référence à la loi britannique de 1989 qui protège ces dits intérêts.
Le film, excellemment porté par une Emma Thompson vibrante de sensibilité, comporte trois intrigues, dont les deux premières se nouent parfaitement, alors que la troisième semble greffée pour faire rêver un public féminin en mal d’amour : « Mais oui, mesdames, même âgées de plus d’un demi-siècle, vous pourrez vivre un amour passionné avec un jeune homme aussi brillant que beau... » ... « à condition d’être aussi brillante et belle que ‘my lady’ la juge Fiona Maye..., ça va de soi... ».
Car elle est effectivement plus que performante, Madame la juge, excellant à envisager les cas, et à trancher, fût-ce entre le corps de deux nourrissons, pareille à l’infaillible Roi Salomon. Mais tout se paye, et la passion qu’elle investit dans les affaires familiales qui lui sont soumises déserte son propre foyer, malgré les délicates incitations de son mari en mal d’amour : Stanley Tucci, lui aussi excellent, et c’est presque là aussi l’un des écueils du film, tant il est peu vraisemblable que sa Fiona reste totalement insensible à une demande d’amour formulée avec tant de tact, et par un homme qu’elle a réellement aimé. Qui plus est, si c’est pour se retrouver pâmée devant un beau jeune homme (Fionn Whitehead) dont elle a dû juger le cas et auquel elle a, une première fois, sauvé la vie... Pâmée mais résistante car, tout de même, on a de l’éducation, et il ne s’agirait pas de transformer le manque d’enfant en banal inceste, même si ledit bambin - « just a dreamer », lui lance la juge - vient tout juste d’atteindre sa majorité.
On regrette d’autant plus ce ratage partiel que, avec des interprètes souvent excellents, le réalisateur britannique est parvenu à créer quelques scènes remarquablement sensibles, comme lorsque Fiona rentre dans son appartement désert et que son regard, joint aux subtils mouvements de caméra, permet de sonder le caractère vertigineux du vide qui l’accueille dans son espace supposé intime. Ou les larmes finales de cette femme qui a perdu l’exercice du contrôle auquel elle soumettait tout ce qui l’entourait, avouant ainsi un désarroi bouleversant.
Mais le carambolage entre une intrigue qui se veut moderne et une mentalité qui semble avoir conservé une rigidité toute victorienne ne passe décidément pas, d’autant qu’il affecte également la construction de l’héroïne éponyme. Sans parler de la musique grandiloquente, qui tente, à grand renfort de violons et d’inflation du son, de faire naître une émotion qui reste, le plus souvent, blottie au fond de sa coquille...