Use Your Illusion.
La première scène s'ouvre sur un jeune homme à l'air égaré mais sûr de lui, planté au beau milieu de nulle part. Il porte un petit bonnet, couvrant sa coupe blonde rebelle et des habits usés, signe...
le 27 févr. 2014
46 j'aime
7
My Own Private Idaho ressuscite le premier âge du cinéma de Gus Van Sant : baroque, mélodramatique, halluciné, mais déjà hautement conceptuel. Van Sant imagine un casting idéal, avec de jeunes stars : Keanu Reeves pour le rôle de Scott, un bourgeois en rupture de ban, et River Phoenix dans celui de Mike, orphelin démuni affecté d’un drôle de trouble : la narcolepsie, qui le fait sombrer dans le sommeil à la moindre émotion vive ressentie. Une des forces de l'oeuvre réside dans le fait de ce qu’elle est devenu : le film véhicule de deux jeunes comédiens huppés à la beauté cristallisée — qui n’a, cela dit, pas effacé le précédent projet, plus documentaire il est vrai, sur de véritables travailleurs du sexe.
Les jeunes hommes dont Van Sant s’est inspiré pour élaborer ses deux personnages principaux jouent aussi dans le film, entourent les deux comédiens et racontent leurs expériences de prostitués face caméra, dans des scènes de café, aux confins du cinéma-vérité. Ces brusques irruptions de témoignages, en contraste avec l’extrême stylisation du film, trouvent leur juste place dans un système fait d’incessantes ruptures de ton et de fractures. À la chronique de l’amitié amoureuse de deux tapins se greffe alors une double remontée vers leurs origines respectives. Mike (River Phoenix) ne sait pas ce qu’est devenue sa mère et part à sa recherche, depuis l’Idaho "white trash" jusqu'à la banlieue de Rome. C’est la veine road-movie américain du film. Scott (Keanu Reeves) est le fils du maire de Portland et s’est choisi pour mentor Bob, clochard mûrissant qui l’entraîne dans la fange. C’est la piste Shakespeare, maquillée d'une prose gracieuse mais non moins brutale et désespérée. Loin d’essayer de naturaliser l’adaptation shakespearienne pour la fondre dans l’ensemble, Gus Van Sant en affiche la théâtralité. Le réalisme des dialogues se dissout subitement dans des répliques de facture shakespearienne. Ce film laisse de profondes traces derrière lui, entre tragédie et contemplation frustrée, que nous ne sommes pas prêts de faire cicatriser de sitôt. Une expérience qui trouble, absolument envoûtante.
Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Ces films étranges... qui ont bouleversé notre perception du réel, Les meilleurs films étranges, Les films les plus tristes, Niagara, chutes de larmes ou les films les plus tristes de mon existence. et Quel personnage de cinéma seriez-vous ? (liste participative)
Créée
le 19 févr. 2016
Critique lue 2.4K fois
64 j'aime
14 commentaires
D'autres avis sur My Own Private Idaho
La première scène s'ouvre sur un jeune homme à l'air égaré mais sûr de lui, planté au beau milieu de nulle part. Il porte un petit bonnet, couvrant sa coupe blonde rebelle et des habits usés, signe...
le 27 févr. 2014
46 j'aime
7
Vingt ans après Easy Rider que ramenait Gus Van Sant sur la route ? Que restait-il à dire de cette histoire actée que les Etats-Unis entretiennent avec leur origine et sa mise en image...
Par
le 7 mars 2012
24 j'aime
5
My Own Private Idaho fait partie de ces films dont on ne sait quoi penser. C'est une tranche de vie de paumés, esquintés par la vie, à l'enfance malheureuse qui se répercute sur leur présent. Il n'y...
Par
le 3 sept. 2016
20 j'aime
2
Du même critique
Un pied devant l'autre, il s'agira de descendre du train sans trébucher, puis d'avancer à travers les nuances de l'un des bouts du monde, entre tradition et modernité, vers les derniers bras tendus —...
Par
le 3 janv. 2016
79 j'aime
4
My Own Private Idaho ressuscite le premier âge du cinéma de Gus Van Sant : baroque, mélodramatique, halluciné, mais déjà hautement conceptuel. Van Sant imagine un casting idéal, avec de jeunes stars...
Par
le 19 févr. 2016
64 j'aime
14
Avant tout mitigé, perplexe et pas entièrement convaincu, me voici un peu embarrassé face à ce dernier projet de François Ozon, qui, osons le dire, n'est pas totalement clair et fait du sur-place...
Par
le 8 sept. 2016
51 j'aime
8