Le vent frais du renouveau souffle sur My Sweet Pepperland : un pays nouveau-né qui doit apprendre l’indépendance et l’application de la loi, de jeunes protagonistes bercés d’illusions et en prise avec un réel immobiliste, un genre enfin, le western mâtiné ici d’une fraicheur étonnante, entre la fable noire et le conte bienfaisant.
La scène d’ouverture donne le ton : la pendaison amateur à un panier de basket, qui prête à sourire dans ses échecs, ne s’en finit pas moins sur un plan sordide. Ce mélange des registres va irriguer tout le film, qui sait prendre l’occidental par la main pour mieux le perdre dans un récit aux épices inconnues.
Trop saints pour être entièrement convaincants, nos deux protagonistes, hérauts de la loi ou de l’éducation, sont beaux, phares dans l’obscurantisme ambiant. Face à eux, les tenants du désordre établi ont des mines patibulaires, de gros flingues et peuvent, à l’image des frères de la jeune rebelle, faire preuve d’un ridicule assez risible s’il n’était aussi dévastateur.
Au charme insolite de cette communauté improbable, dans laquelle on croise des mères castratrices et des combattantes bimbo qu’on croirait sorties des vidéos télévisées de Jackie Brown, s’ajoutent les splendeurs d’une nature aussi vaste qu’humide, de montagnes verdoyantes dans lesquelles on se cache ou l’on se pourchasse. Fluide dans ses soubresauts, le film alterne des nuits aux portraits proches de Delatour avec des saillies de violence nimbées de la même superbe, comme ce combat entre chevaux qui préfigure la tuerie à venir.
Au vu des thématiques qu’il traite, My Sweet Pepperland est finalement d’une profonde intelligence : sans vouloir verser dans le pathos que son sujet impose, sans prendre le parti d’un réalisme brut, il parvient à évoquer le poids de la religion, le fanatisme, la paix fragile et l’étouffante tradition avec un sens rare de l’équilibre.
Car s’il est une chose à laquelle il ne renonce jamais, c’est la beauté, des femmes, de la nature ou d’un idéal, qui colorent cette fable d’un éclat tout à fait singulier.

(7.5/10)
Sergent_Pepper
7
Écrit par

Cet utilisateur l'a également mis dans ses coups de cœur et l'a ajouté à ses listes Religion, Mélo, Western, Violence et Mélange des genres

Créée

le 4 mars 2015

Critique lue 2K fois

59 j'aime

8 commentaires

Sergent_Pepper

Écrit par

Critique lue 2K fois

59
8

D'autres avis sur My Sweet Pepper Land

My Sweet Pepper Land
Sergent_Pepper
7

Pour une poignée de mollahs.

Le vent frais du renouveau souffle sur My Sweet Pepperland : un pays nouveau-né qui doit apprendre l’indépendance et l’application de la loi, de jeunes protagonistes bercés d’illusions et en prise...

le 4 mars 2015

59 j'aime

8

My Sweet Pepper Land
Vincent-Ruozzi
7

Home, sweet home

Une fois la guerre d’indépendance terminée, le soldat Baran est renvoyé à son foyer où une seconde épreuve l’y attend de pied ferme, sa mère. Désireuse de marier son fils à tout prix, cette dernière...

le 4 mai 2017

44 j'aime

5

My Sweet Pepper Land
Petitbarbu
9

Hang in There !

Le thème de Govend composé et joué au Hang par l'actrice principale. C'est avec My Sweet Pepper Land que je découvre à la fois le réalisateur Kurde Hiner Saleem et la magnifique Franco-iranienne...

le 20 juin 2016

26 j'aime

8

Du même critique

Lucy
Sergent_Pepper
1

Les arcanes du blockbuster, chapitre 12.

Cantine d’EuropaCorp, dans la file le long du buffet à volonté. Et donc, il prend sa bagnole, se venge et les descend tous. - D’accord, Luc. Je lance la production. On a de toute façon l’accord...

le 6 déc. 2014

774 j'aime

107

Once Upon a Time... in Hollywood
Sergent_Pepper
9

To leave and try in L.A.

Il y a là un savoureux paradoxe : le film le plus attendu de l’année, pierre angulaire de la production 2019 et climax du dernier Festival de Cannes, est un chant nostalgique d’une singulière...

le 14 août 2019

715 j'aime

55

Her
Sergent_Pepper
8

Vestiges de l’amour

La lumière qui baigne la majorité des plans de Her est rassurante. Les intérieurs sont clairs, les dégagements spacieux. Les écrans vastes et discrets, intégrés dans un mobilier pastel. Plus de...

le 30 mars 2014

618 j'aime

53