On ne peut faire confiance à personne. Les gens n'en font qu'à leur tête, se laissant guider davantage par l'impulsion que par la réflexion. Les gens en plus, ça interprète mal les faits. Il y a toujours une subjectivité mise en jeu, qui déforme un peu la vérité. Cette interprétation peut elle même être déformée lorsqu'elle est explicitée ; l'autre a sa propre subjectivité pour écouter. C'est bien simple, on regarde tous le même film et pourtant on en relèvera des choses différentes. Il n'est pas rare non plus qu'on réinvente le film lorsque son souvenir est lointain. Dans un tel contexte il est difficile de faire confiance à ce qu'on vous raconte.


Eastwood s'attaque à cette thématique et ce par le biais de trois jeunes amis. Bel exemple. Qui n'a jamais perdu de vue ses amis d'enfance? Les gens grandissent et prennent des chemins opposés, et quand ils se revoient c'est juste pour un signe de main ou autre brève salutation. Eastwood va encore plus loin. Il traite de cette confiance via les trois histoires de ces gamins : un homme qui a perdu toute confiance même en lui même suite à des sévices subis dans sa jeunesse ; un flic qui a perdu contact avec sa femme après qu'elle soit tombée enceinte ; et un père ex taulard qui pensait avoir la confiance de sa fille. Ces trois histoires personnelles s'unissent pour n'en former qu'une plutôt glauque impliquant les trois protagonistes. Ce problème de confiance revient à bien d'autres niveaux avec différents personnages secondaires, mais ce serait spoiler le film que de vous les révéler.


Eastwood choisit de rester dans l'archétypale afin de rendre son récit le plus simple et accessible possible. Sans pour autant sombrer dans la lutte du bien et du mal. Eastwood simplifie ses personnages pour mieux complexifier l'intrigue et la morale qu'elle transporte. Les personnage eux même y gagnent en subtilité et complexité. Le scénario est plutôt bien construit, laissant suffisamment de place à chacun des protagonistes. Je regrette juste parfois cette volonté de vouloir jouer la fausse piste au lieu d'user d'ironie dramatique. Je pense que le film aurait gagné en efficacité s'il n'y avait pas cette volonté de perdre le spectateur. Car le twist est finalement très anticipable si l'on est attentif, et surtout ça n'apporte rien lors du revisionnage du film. Non ce qui intéresse, c'est la psychologie des personnages, leurs agissements. En clarifiant la situation dès le départ, Eastwood aurait pu gagner du temps soit pour raccourcir le film soit pour laisser un peu plus de respiration. Encore que le suspens pourrait être pris comme un moyen de détourner l'attention de ce drame psychologique. Toujours est il que le film paraît parfois un peu long à cause de plans moins intéressants plus destinés à tenir en haleine qu'à développer l'histoire.


Côté mise en scène, Eastwood est assez premier degré mais ça marche. Sa méthode semble être 'pour raconter quelque chose, il faut le montrer'. Ça ne veut pas dire que la subtilité n'est pas de mise, mais plutôt qu'il ne faut simplement pas faire place à l’ambiguïté, qu'il faut être radical. La scène du kidnapping par exemple est très explicite dès le début pourtant le terme d'abus sexuel ne sera utilisé que 40 minutes plus tard. La raison est que Eastwood va à fond dans les codes symboliques qu'il joue pleinement de la grammaire cinématographique mais qu'il ne perd jamais de vue son objectif.


Je parle souvent de problème d'objectif pas clair dans les films que je n'ai pas aimé. Ici l'objectif est on ne peut plus clair, les conflits qui en découlent tout autant. Le scénario est peut être classique de ce point de vue là, ça n'empêche pas le bon vieux Clint de traiter de sujets importants et de délivrer un excellent film. Je tenais à préciser cela du fait que j'ai fait ce reproche à pas mal de films récemment, alors autant le souligner quand le contraire a lieu. La fin d'ailleurs paraît un peu longue justement parce que l'objectif est atteint 10 minutes avant le générique. Ces derniers longs instants, Clint les passent à conclure la morale du film, à aller plus loin. L'histoire est finie oui mais il veut avant tout sonner le glas de ses personnages. Alors ça continue, on ne sait pas trop où on va, on constate juste la noirceur du récit.


Bref, Mystic River est un très bon film, un polar un peu bavard, mais intéressant dans les prises de position. Je regrette juste d'avoir ressenti un peu trop de longueurs durant le film et surtout la fin, aussi intéressant le propos puisse-t-il être.

Fatpooper
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le 2 oct. 2012

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Fatpooper

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