Nadja est une américaine d’origine yougoslave. Elle est à Paris pour ses études, dans le quartier de La cité universitaire. Elle raconte ses impressions, les manies parisiennes qui l’ont interpellée, comme les trois repas quotidien à des heures fixes, la lecture dans les cafés. On y visite La Rive gauche à ses côtés. Ses magasins, ses bars, ses rues. On y observe les gens, on y mange des pâtisseries, on écoute la voix des ouvriers. Elle apprécie le parc des Buttes-Chaumont (Rohmer aussi, sans doute, puisqu’il tournera plus tard la majeure partie de La femme de l’aviateur) dans lequel elle perçoit calme et harmonie et cela même si les rivières sont artificielles et les roches en ciment. Sur le point de la quitter, Nadja dit qu’elle ne veut pas perdre Paris de vue. Elle dit qu’elle est tombée amoureuse de la ville parce qu’elle s’y est installée à un moment propice à son développement personnel, où sa personnalité allait se construire. Paris devient donc le vecteur de cet éveil des sens et des influences. Peut-on magnifier davantage le milieu urbain ? Quelque part, ce film-là prépare méticuleusement le moyen métrage Métamorphoses du paysage dans lequel Rohmer laisse l’humain pour vanter l’architecture. Nadja à Paris est une cassure dans le cinéma de Rohmer, davantage Nouvelle vague que Rohmérien dans l’âme, cumulant l’errance du personnage, la voix-off et le documentaire un cran plus haut encore puisque l’actrice elle-même se prénommant Nadja on peut considérer qu’il s’agit d’un portrait authentique. Rupture esthétique surtout tant la photographie se singularise nettement, avec ce noir et blanc si solaire, tout en profondeur de champ, attribuant à Paris sa beauté de ville ouverte et majestueuse. Le grand bouleversement c’est bien entendu l’arrivée de Nestor Almendros, le plus grand chef op de la Terre, que Rohmer retrouvera aussitôt pour La collectionneuse, qui s’inscrit dans la continuité de ce beau court-métrage.
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