Pour un premier film, Ida Panahandeh fait preuve d'une grande maîtrise. Ses débuts sont prometteurs, surtout qu'elle est aussi au scénario. Son portrait d'une femme iranienne se révèle intéressant et nous permet de mieux comprendre cette société patriarcale où les traditions ancestrales, ne veulent pas évoluer. C'est une femme complexe avec ses contradictions, voulant être indépendante dans un pays qui refuse de lui offrir cette liberté.
Nahid (Sareh Bayat) est une femme divorcée, vivant seule avec son fils Amir Reza (Milad HasanPour). Elle vit une histoire d'amour avec Masoud (Pejman Bazeghi), mais ne peut officialiser cette union au risque de perdre la garde de son fils. Ils vont devoir continuer à se cacher pour éviter une douloureuse séparation.
Le film ne fait pas un portrait élogieux de cette femme. Alors que l'on s'attend à être plein de compassion pour Nahid (Sareh Bayat), on se retrouve face à une femme indécise, se perdant dans ses mensonges pour assouvir ses besoins matériels. C'est un peu déstabilisant et surtout, elle en devient agaçante. Elle manipule son entourage pour payer son loyer où s'offrir un canapé rouge. Elle ne semble pas avoir de limites et donne le sentiment de tout faire pour assouvir ses désirs, au détriment de son fils. Un fils à qui elle reproche de lui avoir fait perdre ses plus belles années et d'être comme son père. C'est difficile de compatir avec cette personne et le doute s'immisce en nous, comme dans cet homme veuf épris d'elle. Un doute dont on aura du mal à se défaire jusqu'à la fin.
Le schéma n'est pas classique, car la société Iranienne n'est pas régit par les mêmes codes que celle de la France. Ce côté documentaire sur le quotidien d'une femme en Iran, n'est pas surprenant de la part d'Ida Panahandeh. Elle a réalisé des documentaires et courts-métrages avant de se lancer dans ce long-métrage. Elle a mis sa rigueur au service de l'histoire et a fait le choix de montrer un village dénué de couleurs. La joie semble absente en ces lieux où le ciel est gris, comme les vêtements des différents personnages. Même le canapé rouge semble terne, comme si toutes les couleurs vives perdaient de leurs flamboyances en ce lieu. Nahid n'enlèvera jamais son foulard, ni chez elle, ni chez sa mère et encore moins dans la rue. Les hommes ont mis des lois en place et les femmes doivent s'y soumettre, au risque d'être mises au ban de la société et donc, de ne plus pouvoir vivre décemment.
Le côté romance impossible est fatigante. Nahid est énervante de par son indécision. Elle aime Masoud, mais l'ombre de son ex-mari Ahmad plane toujours sur elle. Il faut comprendre le contexte, pour mieux cerner son attitude, cela va prendre du temps et il va falloir avoir recours à l’extrême pour être enfin libre. On en revient toujours à ce monde où les hommes ont le pouvoir, comme son frère qui vient la remettre dans le droit chemin.... Malgré tout, cela n'excuse pas tout ses mensonges, mais personne n'est parfait. L'argent lui brûle les doigts et sans un moment furtif émouvant, on pourrait se demander si elle n'est pas surtout attiré par la richesse de ce veuf éperdument épris d'elle.
La découverte du sighe est étonnante dans la société iranienne. Il s'agit d'un mariage pouvant durer quelques heures où années, selon le choix des époux. C'est surtout un moyen pour une femme divorcée de ne pas perdre la garde de son enfant, mais cela se fait dans la discrétion, pour éviter de jeter la honte sur sa famille.
Une histoire déroutante, où Sareh Bayat se montre une nouvelle fois impressionnante, comme dans le sublime Une séparation. Le film ne laisse pas indifférent et met du temps à montrer son vrai visage, mais il vaut la peine d'être vu.