Naissance du film pompier ? Du film interminable ? Du film idiot ? Du film niais ? Du film pompeux ? Du film tellement crétin qu'il justifierait l'attribution d'un prix nobel pour Roland Emmerich pour la finesse de son oeuvre dans un autre espace temps ? Du film bouffi de prétention ? Du film lourd ? Du film sans histoire ? Du film sans personnage ? Du film aussi fascinant qu'une série de sketchs type "l'arroseur arrosé" des frères Lumière, mais multipliés par 1000, et montés les uns à la suite des autres pour atteindre l'extravagante durée de trois heures ?

Pourtant, j'étais plutôt optimiste.
Alors je précise d'emblée que je ne me suis pas mis une seconde dans l'état d'esprit suivant "je vais voir un film qui est un jalon historique fondamental dans l'histoire du cinéma, on est en 1915, c'est la préhistoire, il faut être compréhensif, blablabla"..

Comme pour tout film, je n'ai qu'une seule règle, celle du plaisir pris personnellement, et rien d'autre.

Ensuite, je n'ai strictement aucun problème avec le côté grossier/caricatural/voire nazi du film, c'était même ce que j'attendais le plus finalement. Voir arriver le KKK, j'en frémissais d'avance, je me disais, enfin, on va un peu se marrer.

D'ailleurs à ce titre, j'ai mis 10 par exemple à la bd "Tintin au pays des soviets", c'est dire si ça m'est complètement égal, qu'on soit dans la caricature grandguignolesque qui n'a plus aucun sens.
Je n'ai aucun problème à regarder une oeuvre avec second degré et recul, sans avoir à m'insurger tout seul devant un amas de bêtises et de raccourcis grotesques.

Par contre, là où je ne peux pas transiger, c'est sur la durée d'un film, et sur l'emmerdement.
Et je suis désolé, mais "naissance d'une nation", c'est l'une des plus magnifiques purges que j'aie pu voir;

A un moment donné, je me suis même demandé s'il fallait 1- avoir des goûts abominables 2- être masochiste 3- être snob 4- être gérontophile, ou les 4 à la fois pour décemment apprécier ce film, et pire le RECOMMANDER !!!

Ô toi pauvre spectateur innocent qui ne l'a toujours pas vu, ne commets pas mon erreur, évite à tout prix cette purge absolue où les 3/4 des plans auraient pu être coupés sans nuire une seconde à la compréhension de "l'histoire" qui nous est racontée...

3H! 3H pour ça ? Mais c'est une blague dîtes-moi ? On s'est moqué de moi quelque part ? J'ai raté un épisode ?

Le côté idiot/naïf/nazi/niais serait passé sans aucun problème, si on avait eu un film un peu punchy, un tant soit peu intéressant et percutant (comme l'est la BD tintin au pays des soviets, d'ailleurs), là c'est juste un cauchemar sans fin, j'ai lutté comme un malade pour en arriver au bout, et je n'en ai strictement retiré aucun apport personnel, aucun plaisir, aucun intérêt... Bref 3h véritablement perdues!

Bon..

Le film est divisé en deux sous-films d'1h30 chaque.

* PARTIE 1 : la guerre de sécession : Nordistes vs Sudistes

Bon je m'attendais pas à un cours d'histoire, il est évident que je n'allais rien apprendre du tout sur cette guerre-là pourtant passionnante.
Ca commence de la plus horrible des manières, lors de la première demi-heure, y a la tare classique de tous les mauvais films muets : 350 personnages qui défilent à l'écran qu'on nous présente à vitesse grand V, par pure folie des grandeurs.. On se mélange les pinceaux (surtout qu'en plus, les mecs ou les femmes ont tous exactement les mêmes tronches), on ne sait plus qui est qui, qui fait quoi, qui est nordiste, qui est sudiste..

Ca m'a rappelé le cauchemar du film de Pabst "Le Journal d'une fille perdue" qui était aussi bordélique.. Et un film muet bordélique, c'est vraiment l'horreur quoi, parce qu'on a rapidement plus rien à quoi se rattacher.

Bon et surtout que l'histoire est super intéressante quoi, machin aime machine qui vit dans l'autre famille, et inversement..

Ensuite la guerre arrive, ouf, il va se passer des trucs..
Ah bah c'est grandiose la guerre, une demi-heure de plans d'ensemble à jouer avec des pétards, et à multiplier les effets de fumée, à un moment, j'avais même la sinistre impression qu'on me repassait en boucle les mêmes plans, avec la même fumée, et le même bordel insondable.

On est quand même pas dans "Croix de fer" de Peckinpah.... (qui est lui aussi parfaitement bordélique, mais ô combien jouissif, bon je sais la comparaison est injuste).

Donc voilà, palpitante guerre de sécession, à base de fumée et d'explosions. La narration est totalement à la ramasse, le récit tente vaguement d'implanter des pseudos péripéties du genre "il faut aller récupérer un train de marchandise nordiste", cela va sans dire que ce train, il n'en sera plus du tout question dans la minute qui suit.

Après il y a quelques love story qui sortent strictement de nulle part, et qui se matérialisent concrètement par deux personnages qui se regardent face caméra, avec de temps en temps des intertitres aussi brillants que "vive l'amour" "l'amour triomphe de la guerre" etc etc.

Et le meilleur moment du film arrive (ce n'est pas ironique du tout, non) : l'assassinat de Lincoln.
Rien à dire, une bonne petite scène, avec une tentative de suspense (qui échoue lamentablement, mais c'est pas grave, au moins ils avaient essayé), une petite tension, et une reconstitution sympa du théâtre.

Voilà fin de la première partie. Bon c'était chiant, mais ça passe.. Maintenant on passe vraiment à la partie que j'attendais avec impatience, le KKK, et la caricature des noirs, au moins là, ça peut potentiellement être drôle...
Mais même pas;..

PARTIE 2 : Univers imaginaires - 15 aryens contre une horde de 70 milliards de vilains "négros"

Qu'est-ce que c'est con, mais qu'est-ce que c'est con!
1915 ou pas, mentalité d'arriérés ou pas, c'est d'une crétinerie qui confinerait presque au génie.
Ok c'est logique que Griffith soit un peu facho sur les bords, ça pas de problème, c'est le contexte qui veut ça, ça se comprend à la limite. Mais est-ce que ça justifie de faire un truc aussi grossier, aussi caricatural et aussi naze ??

Nan mais, par moment j'avais l'impression d'être dans du Tex Avery, tellement ça se résume à une série de poursuites cartoonesques, mais ce qui devient flippant, c'est qu'il n'y a ici pas l'ombre d'un second degré. (Et cette seconde partie, n'est qu'une succession interminable et nauséeuse de poursuites)

Donc les noirs se sont libérés (enfin pas tous, certains restent domestiques, et ce sont les bons noirs), ils deviennent majoritaires à l'assemblée des représentants de l'état du sud en question..
(ah j'avais oublié un truc rigolo dans la première partie, on apprenait que les noirs travaillaient dans les champs de 6h à 18h, avec une pause de 2h, pendant laquelle.. Ils dansent!)

Concrètement, dans ce film ce sont des singes, ils gesticulent, ils bondissent, ils froncent brutalement des sourcils, ils tapent sur les chaises dans le beau parlement, tout en y excluant les blancs...
Blancs qui eux, sont beaucoup plus subtils et civilisés, puisqu'ils songent à l'amour, et passent leur temps à se conter fleurette dans les champs.

Et il y a des métis (dont le plus important, devient le gouverneur). Alors ce qui est vachement drôle à voir aujourd'hui, c'est qu'ils ont mis du cirage sur la tête de comédiens blancs sur certains personnages clés (et de vrais noirs pour les figurants inutiles).
Chez les femmes notamment, on a l'impression de voir une sorte de caricature de portugaise poilue, avec des sourcils ultra épaissis, et une peau virant au gris.

Bref n'importe quoi, mais là encore, en soi c'est pas un problème.

Donc, le métis gouverneur, en gros c'est le mal incarné, il veut se marier avec une blanche et dit avec tout le sérieux du monde "Je vais bâtir un empire noir!! HAHAHAHAHAHAHAHA! Et tu seras ma Reine!!!"..
Et comme King Kong, hop, ni vu ni connu, il l'embarque dans sa planque secrète.

Ensuite, t'as un nouveau méchant, grimé en gris, donc vraisemblablement lui aussi métis, qui déboule de nulle part (succession de sketchs sans aucun liant entre eux, vous disais-je), et qui s'est aussi mis en tête d'attraper une blanche.
Hop, il la poursuit dans la forêt (on se croirait encore dans du tex avery), et la nana pour éviter son funeste sort, décide de se jeter du haut d'une falaise (et la chute est plutôt pas mal faite, ça m'a bluffé, tant celle d'allemagne année zéro était ratée par exemple).

Bon on n'évite évidemment pas les énormes clichés qui séviront dans tous les pires films d'hollywood, elle est à l'agonie, dans les bras de son vrai chéri qui arrive trop tard, et elle met 10 bonnes minutes à crever (on vient de gagner 10 minutes de film, super, on commence à la tenir notre superproduction!!).

Après on a une scène magnifique, où sudistes et nordistes finissent par s'accorder ensemble, et à s'UNIR contre l'ennemi commun (le nègre donc) pour défendre la race aryenne (c'est dit texto dans le film).

Donc les noirs ont quelque part sauvé l'Amérique, puisqu'ils ont, selon ce film, unis les nordistes et les sudistes contre eux "à jamais et pour toujours".

Comme le bon chasseur, et le mauvais chasseur, il y a aussi le bon et le mauvais noir.
Les bons noirs sont ceux qui restent domestiques, et qui n'aspirent pas à une liberté qu'ils seraient incapables de gérer, et d'ailleurs ceux-là ne se privent pas de cogner les mauvais noirs, qui ont eu l'idée saugrenue de vouloir être indépendants.

Nous sommes donc dans un pays imaginaire avec une quinzaine de bons blancs contre des hordes de méchants noirs, et heureusement que le KKK (lui aussi opprimé) sera là pour sauver l'Amérique.

Donc, comme je l'ai dit, que le film soit complètement idiot, crétin, bébête, niais, et xénophobe, en soi ça ne me dérange pas, je suis totalement indulgent, et je sais faire la part des choses (et encore, là c'est quand même très très fort).
Par contre, je ne pourrai jamais admettre qu'on en fasse un gros machin de 3h, complètement barbant, sans aucun personnage digne de ce nom, et sans histoire.

Quant à la révolution cinématographique, le coup des travellings par exemple, c'est une bonne blague, j'en ai compté deux qui doivent durer 1 seconde et demi tout au plus. Mais sinon ça n'a vraiment aucun intérêt aujourd'hui, sauf si on souhaite se spécialiser dans l'étude des fossiles.

Mais au moins, "l'arroseur arrosé", ou "l'arrivée du train en gare de la Ciotat" ont la décence de ne pas dépasser la minute.

PS : la BO du film est le seul point positif que j'y trouverais (avec la scène de Lincoln), mais elle est très redondante, et "la chevauchée des Walkyries" pour la scène finale pourrait sublimer absolument n'importe quoi.
KingRabbit

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