Femme qui pleure, à moitié dans ton cœur

Il y a quelque chose de très étrange dans la construction de "naked". 
Comme si Mike Leigh avait eu envie de créer un genre nouveau, le cinéma "demi-vérité". 
Comment expliquer, si ce n'était pas le cas, cette juxtaposition entre ces scènes hyper-réalistes et la présence du personnage de Jeremy, totalement fabriqué et même intellectualisé (cette forme de double opposé de Johnny, de pôle inversé que presque rien ne justifie dans le récit si ce n'est cette nature adverse et proche) ? Et pourquoi, autrement, tant insister sur la ponctuation musicale dans ces moments sensés être pris sur le vif ?

Du coup, voilà un film dont il faut parfois renouer les fils de la cohérence, qui alterne moments fantastiques et scènes curieuses. 

Mike Leigh suit les errances de Johnny macunien exilé dans la "big chity" pour retrouver son ex, demi-clochard magnifique au débit oratoire intense, philosophe de rue à la rhétorique implacable, à l'humour acerbe, incapable de se fixer, géographiquement ou émotionnellement, qui de rencontres en retrouvailles, traîne son mal-être désabusé. Qui s'éloigne dès qu'on s'approche de lui, ce qui explique son rapport difficile et souvent violent avec les femmes.

Un film, en tout cas, porté, habité par des performances d'acteurs époustouflantes. Affublés d'un accent à couper au couteau, les moments que nous offrent David Thewlis et Katrin Cartlidge, notamment, sont en tout point bluffants.
Ces moments de grâce artistiques (en partie improvisés, selon la méthode chérie de Leigh) nous permettent de méditer sur cette cruelle maîtresse qu'est la destinée. Que l'on songe que le premier s'est depuis abonné à la franchise Harry Potter alors que la seconde nous quittait il y a dix ans, victime d'une pneumonie et d'une septicémie. 
La réalité de ce monde est parfois encore plus cruelle que celle de la fiction. 
Naked bitch. 
guyness

Écrit par

Critique lue 2.2K fois

29
5

D'autres avis sur Naked

Naked
Velvetman
8

Naked

Johnny est l’homme qui murmurait aux oreilles des âmes déchues. Un parolier de la mélancolie, un poète macabre de l’apocalypse. Il est la petite voix qui se fraie un chemin dans votre esprit pour se...

le 12 déc. 2014

29 j'aime

2

Naked
guyness
7

Femme qui pleure, à moitié dans ton cœur

Il y a quelque chose de très étrange dans la construction de "naked".  Comme si Mike Leigh avait eu envie de créer un genre nouveau, le cinéma "demi-vérité".  Comment expliquer, si ce n'était pas le...

le 13 août 2012

29 j'aime

5

Naked
oso
7

Du charbon dans les yeux

Impossible de rester de marbre devant la noirceur qui habite Naked. Film dépressif par excellence, il marque surtout les esprits par la performance sans limite de son acteur principal, l'excellent...

Par

le 6 mars 2014

17 j'aime

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

318 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

299 j'aime

141