Un paradoxe malheureux définit Naked : offrir à ses comédiens des espaces d’improvisation tout en les enfermant dans des personnages à la caractérisation symbolique immuable. Les rencontres successives que fait Johnny, si elles cartographient la marginalité de Londres, échouent à remettre en cause ses certitudes, à ébranler son monde intérieur dans la mesure où il existe par seule antithèse de Jeremy, prédateur qui dévore les autres en leur opposant son corps là où celui-ci leur oppose son verbe. Quelques belles séquences émaillent un récit programmatique, à l’instar de la prise en charge d’un jeune couple dont les membres sont séparés et qui errent dans les rues en quête de l’autre, ou du dialogue avec un gardien de nuit qui se voit réduire à la fonction machinale qu’il accomplit toutes les deux heures. Si elle peut compter sur le talent du photographe Dick Pope pour composer une ambiance évolutive – la rue londonienne se teinte des néons des devantures, les friches industrielles rendent les égarés quasi abstraits –, la caméra de Mike Leigh tend sinon à se complaire dans un misérabilisme dommageable, que nous retrouvons aussi dans la direction d’acteurs, visiblement tournée vers l’accomplissement de performances.

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