Le spectacle commence comme tous ceux qui s'annoncent comiques, avec des blagues bien contrôlées, autour d'un thème : le coming-out et l'appartenance à une communauté, depuis le point de vue de l'auteur. Et c'est là qu'Hannah Gadsby casse les codes et fait de son show un événement dans l'histoire des spectacles d'humoristes : plus on avance dans le show, plus elle remplace l'humour par sa colère. Et des sujets de colères autour de l'homosexualité, plus spécifiquement l'homophobie évidemment, l'autrice en a balancé. Née en Tasmanie où l'homosexualité était considéré comme un crime au moment de son adolescence, et donc jusqu'en 1997, côtoyant sans cesse des personnes qui l'aimaient mais qui étaient contre la dépénalisation de l'homosexualité, elle grandit en ayant honte d'elle-même et c'est comme ça qu'elle devient humoriste : par l'autodérision. Sauf que l'auto-dérision, et elle le dit elle-même, ce n'est pas de l'humilité, surtout quand on est mis à l'écart de la société, c'est de l'humiliation.
Ces moments de colères qui viennent renverser l'humour, s'installent de manière progressive. C'est d'abord une minute, puis deux, puis dix, puis prennent le pas quasi-définitivement sur l'humour. C'est autant de passages-grenades que viennent désamorçaient par la suite ses blagues, des blagues qui viennent nous libérer de la tension qu'elle sait très savamment installée en nous depuis le début du show. Durant les quinze dernières minutes, c'est n'est plus seulement un réquisitoire contre les homophobes, mais aussi contre les hommes blancs hétérosexuels, c'est le discours d'une femme qui a eu besoin de se reconstruire à cause de certains d'entre eux, mais qui refuse de se poser en victimes. Toutefois, même si elle affirme sa peur des hommes – quelle femme sensée n'a jamais éprouvé cette crainte ? - ce n'est pas un discours de haine. On peut l'accuser de misandrie, ce serait transformé ses propos et passer à côté de son message.