Curieuse histoire de fantômes thaïlandais qui se présente comme l'adaptation cinématographique d'une légende (Mae Nak Phra Khanong) appartenant au folklore local, Nang Nak n'est en réalité que le dixième ou quinzième film à aborder ce sujet depuis les années 50. C'est un film situé à la croisée de nombreux genres, fantastique, horreur, guerre, romance, et qui substitue à un certain pittoresque chrétien inondant l'industrie américaine (ce fameux cinéma d'horreur avec prêtres, croix, et livres saints) un autre pittoresque, bouddhiste, avec son cortège de codes qui apparaîtront comme exotiques à un œil non-habitué.
C'est un mini-spoiler mais en réalité le sujet est éventé dans la première partie du film : à une époque largement indéterminée qui pourrait être le milieu du XIXe siècle, Mak part à la guerre en laissant son épouse aimante, Nak, enceinte, chez eux. Il subira des horreurs diverses et ne reviendra à son foyer qu'après une longue période de récupération, pour retrouver sa femme et son bébé après l'accouchement. Sauf que les deux sont en réalité des fantômes, ledit accouchement s'étant particulièrement mal passé — quelques séquences un peu hardcore. Tout l'objet de Nang Nak est là, le déni de la part de Mak dans un premier temps, qui refuse de voir la réalité malgré les nombreuses tentatives de son entourage proche ainsi que de moines respectés venus spécialement le faire revenir à la raison. Puis, dans un second temps, la prise de conscience et enfin l'exorcisation, du moins dans sa traduction en termes qui s'accordent aux pratiques locales.
Il y a beaucoup de morceaux étonnants, détonnants même, et quelques passages qui relèvent du cliché horrifique, avec de l'horreur gratuite comme notamment ces passages retranscrivant des cauchemars de guerre ou la mort de son meilleur ami dans ses bras. À certains moments, on se demande si Mak n'aurait pas un peu abusé du bétel (une noix mâchée comme de la chique aux effets psychoactifs prononcés), mais c'est plus sérieusement une histoire qui s'inscrit dans la culture de la folk horror. Accessoirement écrite par Wisid Sartsanatieng, le futur réalisateur de l'improbable western psychédélique Les Larmes du tigre noir... Mais aucune trace de bisserie ici. Nang Nak, où l'on apprend qu'il suffit de se baisser et de regarder entre ses jambes pour accéder à la réalité.
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