De Féret je connaissais le superbe Mystère Alexina qui, ado, m'avait profondément troublée, aussi sensuel qu'ambigu , et je dois dire que la vie brisée de cette jeune fille, le destin méconnu de la soeur aînée de Mozart traités sur le mode du raffinement et de la délicatesse m'ont interpellée, mettant d'autant plus en valeur l'intensité de la tragédie vécue par Anna-Maria dite Nannerl.
Un véritable prodige musical de 15 ans " qui en paraissait 16", formée dès son plus jeune âge à la musique, puis très vite interdite de musique par ce même père, le prestigieux mais tyrannique Léopold, excellent Marc Barbé.
Car mieux valait à l'époque ne pas naître femme, et c'est le jeune Wolfgang, de presque 5 ans son cadet, qui va récolter tous les bienfaits d'une éducation musicale dans laquelle il baigne depuis sa naissance, un génie et un virtuose certes, mais qui lui, a le droit et le devoir de composer, ce qu'il fera d'ailleurs toujours par plaisir.
Un film sur la musique bien sûr, mais une réalisation qui s'attache surtout aux liens familiaux, à la peinture des sentiments et au destin cruel d'une jeune fille bercée d'espoirs et d'illusions.
Sacrifiée aux impératifs d'une époque et à la toute puissance d'un père, elle devra finalement rentrer dans le rang, étouffer cette passion créatrice qui l'avait fait remarquer de Louise de France d'abord, l'une des filles de Louis XV née des frasques du roi, cloîtrée à l'Abbaye de Fontevraud, puis du Dauphin : une intrigue romanesque créée par le cinéaste, qui ajoute encore à la cruauté de ces renoncements.
Compositions parfois surprenantes mais justes des filles de René Féret dans les rôles de Nannerl et de Louise, laquelle ayant finalement voué sa vie à Dieu déclare à son amie dans une scène très émouvante : " Si nous avions été des garçons, vous seriez votre frère et je serais le mien. Nous règnerions toutes les deux : vous sur la création, moi sur les hommes."
Un beau film en costumes, décalé avec une suprême élégance, sur des images somptueuses dont certains portraits de famille éclairée à la bougie évoquent parfois des tableaux de Georges de La Tour.
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