Napoléon
5.1
Napoléon

Film de Ridley Scott (2023)

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Ou comment le film aurait dû s’intituler « Napoléon et Joséphine »

Le film « Napoléon » de Ridley Scott raconte l’histoire de Napoléon Bonaparte de 1789 lors de la Révolution française jusqu’à sa mort en exil. Il s’attarde sur les évènements les plus marquants de sa vie (dont les batailles les plus célèbres) ainsi que sa relation amoureuse avec Joséphine de Beauharnais. Il peigne ainsi le personnage de l’homme qui a conquis et perdu l’Europe.


Tout d’abord, l’image du film demeure magnifique avec le grain classique des films de Ridley Scott. Les batailles, notamment celles de Waterloo et d’Austerlitz, rendent à merveille et ce sont, selon ma préférence, les moments les plus intenses du film. Elles restent le reflet de la maitrise de ce réalisateur pour les grandes batailles et les moments d’action. Les costumes et les lieux, tout aussi sublimes, permettent également de s’immerger dans ce que pouvait être le début du XIXème siècle en France et dans le reste de l’Europe. Ce duo image et décors est complété par une musique suffisamment dramatique pour ne pas trop en faire et, lors des batailles, vraiment belle.

Les acteurs donnent une prestation vraiment honnête donc notamment Vanessa Kirby (Jospéhine) qui interprète son rôle avec beaucoup d’élégance et de subtilité. Le jeu de Joaquin Phoenix est plus ambivalent car je reste trop marqué par son rôle dans « Joker » pour le détacher de celui de Napoléon. Il joue parfois de la même manière avec un rire incontrôlé et en étant profondément introverti ce qui donne un étrange décalage. Il reste néanmoins un grand acteur lors des moments de tristesses avec le refus de pleurer de Napoléon réalisé tout en douceur.


Concernant les défauts du film, plusieurs me sont apparus, notamment les erreurs historiques. En guise de précision, je ne suis pas historien et les anachronismes et autres erreurs historiques peuvent ne pas me déranger dans le visionnage d’une film dans la mesure où elles restent discrètes. Toutefois, elles demeurent importantes pour évaluer le degré d’implication du réalisateur dans un film qui se veut historique. Deux m’ont néanmoins marqué : la tentative de suicide de Robespierre (dont personne ne sait si le bonhomme l’a vraiment tenté ou un coup de zèle d’un garde qui l’emmenait en prison) et le célèbre échange de Surcouf «Vous, Français, vous vous battez pour de l'argent. Et nous, Anglais, nous nous battons pour l'honneur. - Chacun se bat pour ce qui lui manque ! ». Ce que je trouve dommage dans ce dernier cas est le nombre abyssale de citations de Napoléon qui ne sont pas utilisées dans le film alors que nombre d’entre elles auraient pu y apporter une profondeur supplémentaire au récit. Non, juste l’utilisation d’une phrase d’un autre personnage français important sans le citer parce que qui connait aux USA Surcouf. Ainsi, il en émane un sentiment d’imprécision historique qui ruine le film lorsqu’on connait un peu l’époque et/ou les différents éléments de la vie de Napoléon.


Le second débat porte sur la langue anglaise utilisée tout au cours du film et surtout par tous les protagonistes français. J’ai accepté l’idée que le réalisateur prenne cette liberté en mettant en scène l’ensemble des nations d’Europe qui dialoguent en anglais (dont les russes, les prussiens, les autrichiens, etc). Bien que l’ironie est marquante de faire parler anglais des personnes qui les détestaient par-dessus tout, elle peut permettre de rendre plus universelle le personnage de Napoléon et son entourage. Or, tout ce postulat est foutu en l’air par deux éléments (toujours deux) : le premier se trouve au tout début avec les chansons en français d’époque qui viennent rappeler la langue de la Révolution et faire un vrai décalage entre le « ah ça ira, ça ira, ça ira, les aristocrates à la lanterne » et les personnages assistants à l’exécution de Marie-Antoinette en parlant un anglais avec ce petit accent presque londonien. Le second élément est l’échange entre le diplomate français et un diplomate autrichien et qu’ils se mettent à discuter en allemand ! Pourquoi ce personnage est autorisé à parler sa langue natale et pas tous les français ? C’est vraiment à ce moment précis que le choix de faire parler tous les français en anglais donnent plutôt la désagréable impression d’une appropriation culturelle par les américains (qui dénoncent pourtant avec tant de hargne). Dans un cadre analogue, je paierais cher pour voir la tronche de ces mêmes américains face à un film sur Washington en français parce que La Fayette.


Enfin, le coeur du film demeure problématique car l’histoire de Napoléon y apparait comme décousue, oubliant de nombreux points importants de sa vie (la campagne d’Italie, qui a fondé le mythe de Napoléon pour l’opinion publique, la rédaction du code civil, la désastreuse campagne d’Espagne, la défaite de Trafalgar, etc). Il laisse place à une autre intrigue, beaucoup plus importante pour Ridley Scott qui est sa relation amoureuse avec Joséphine. Tout d’abord, cette vision de leur relation est fausse. Si Napoléon a bien aimé Joséphine jusqu’à sa mort, la réciproque n’est pas vraie, à tel point qu’elle est devenu informatrice pour le compte de Fouchet, ministre de l’intérieur et autre personnage d’importance de l’histoire de France. Elle le renseignait sur tous les agissements de Napoléon, donc pour la passion ardente, tu repasseras… Ainsi, le film reste pauvre car il s’attarde sur deux histoires en même temps : l’ascension d’un homme et la dynamique d’un couple historique. Or, il apparait que Ridley Scott est fasciné par le personnage de Joséphine, ce qui résultent en des scènes beaucoup plus intéressantes de leurs liens entre eux que la vie de Napoléon qui est survolé, à peine interrogé. Il faut néanmoins croire qu’un film « Joséphine » faisait moins rêver qu’un film « Napoléon » quant bien même elle reste un personnage féminin très intéressant et bien moins représenté que Napoléon. Ainsi donc, je suis persuadé que Ridley Scott n’aurait pas du se donner tant de mal à résumer (de manière partiel) la vie aussi complexe qu’un homme comme Napoléon. Cela résulte en un film mensonge prétendant raconter l’histoire d’un homme alors qu’il raconte l’histoire d’un couple. Et que depuis le début le véritable titre du film n’a jamais été autre que « Napoléon et Joséphine ».


(Et encore désolé pour le pavé)

Verdandi
6
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le 26 nov. 2023

Critique lue 14 fois

Verdandi

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