Ned Kelly est l'archétype même du film décevant à tous les niveaux. Il est le reflet ombragé d'une adaptation fidèle mais malmenée par les pires codes du cinéma. Le héros déstabilisé dans sa foi par la méchante milice toute-puissante est au cœur d'un biopic absolument partial et sans charisme, où toutes les scènes sont à mettre au crédit d'une injustice constante et déloyale quant à la réelle vie vécue par le sulfureux Ned Kelly. Il n'est pas question d'embrigader dans cette fatalité folle une objectivité absolue qui de toute manière ne saurait exister (fait trop anciens, vie décousue) mais de créer une émulation autour de l'ambivalence du sujet et des débouchés scénaristiques qu'il aurait pu susciter. Le film exploité une seule part du gâteau, quitte à en laisser certains sur la touche. Gregor Jordan, dans une fainéantise frénétique, profite d'un manichéisme à toute épreuve pour exiler son personnage principal sur un îlot abandonné, celui de la justice du peuple. Et dans tous les pores de son cinéma ruisselle un arrière goût tire-larmes au son grossier. Jamais la réalisation ne transcende le sujet, pire encore, le traitement de l'histoire la tire vers le bas.


Un casting cinq étoiles qui a fière allure sur le papier mais qui ne persuade que très peu, la faute à des personnages sous-exploités comme un Geoffrey Rush absent ou une Naomi Watts qui campe le personnage d'une femme mariée qui trouve en Ned Kelly le parfait déclencheur de sa passion enfouie. Une image éculée et sans aucun relief. La force de la troupe doit surtout à Heath Ledger, acteur aux multiples rôles de composition, toujours proche de la rupture sans jamais dépasser la ligne du ridicule ou de la mièvrerie. Il y a toujours un regard percutant, un visage qui se ferme, une émotion particulière qui s'émane et qui le garde de toute sortie de route. Une prestation de haute volée pour un rôle balayé d'un revers de main mais malgré tout saisissant, comme une des grandes figures de l'histoire, le sentiment d'avoir assisté à quelque chose d'important, de légendaire, d'avoir vu triompher des valeurs, une éthique, un peuple, une idéologie. Les premiers pas des hipsters, ça se fête !


Ned Kelly est irrégulier dans son schéma de base, compilant sans équité des moments bavards et des moments d'action qui tirent le récit pour ne le faire avancer que très lentement. Une perte d'intensité qui jalonne le film, tenue en laisse par une voix off aux élucubrations poétiques qui dénote avec la réalité du propos. Un manque d'empathie avec les personnages malgré quelques passages ciselés pour créer une vraie alchimie entre les protagonistes. Ces moments sont rares et rapirement balayés par l'enchaînement des rebondissements. Une vie héroïque et exaltante pour un film qui essaie de retranscrire, maladroitement, une sorte d'hommage pour les nuls. Une déception, des frissons aussi, un peu. Ned Kelly n'est pas un grand ni un bon biopic, mais c'est un film qui ne donne aucun déplaisir au visionnage tout de même.

EvyNadler

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