Typiquement pour moi le genre de film (ou le film de genre, d'ailleurs) qui se croit plus fin et plus malin que ce qu'il est, et pas qu'un peu. Le concept est bon, ce n'est absolument pas le problème, mais la mise en œuvre du postulat de départ flirte dangereusement avec la catastrophe à de trop nombreuses reprises. À vrai dire, on n'est pas vraiment surpris d'apprendre que ces 75 minutes sont en réalité l'extension d'un court-métrage que Christophe Deroo avait réalisé quelques années auparavant, tant le remplissage (et ses conséquences) saute aux yeux.


Pourtant, l'introduction est très bien menée, suscitant des attentes conséquentes. Structuré à l'aide d'une photographie très lumineuse rappelant celle de Quentin Dupieux, charpenté autour d'une musique envoûtante rappelant celle de John Carpenter, le film suit les déambulations d'un représentant de commerce égaré dans les contrées rurales et reculées du sud de la Californie (alors qu'initialement, le film devait être tourné en France, avant qu'un producteur exécutif américain ne se manifeste...), en plein territoire redneck. Et mystérieusement vide. Maisons abandonnées garnies d'écrans de surveillance, portes closes assez peu accueillantes, déserts de sable et de caravanes délabrées : l'ambiance sordide a des arguments qui pèsent dans la balance. Le début de la montée en tension liée à une étrange émission de radio incitant à cracher sa haine, aussi.


Mais sans doute par excès de confiance (spéculation pure), Sam was here (ou "Nemesis" dans le circuit de distribution français) fait une magnifique sortie de route à mi-parcours, quand il s'agit de répondre aux multiples appels de la première partie par des choix de mise en scène concrets. Pour un film de genre lambda, on ne saurait pas vraiment reprocher ce genre de détails, mais comme les considérations esthétiques semblent être en l'occurrence au centre des enjeux, l'accumulation de faux raccords et de fautes de cohérence et/ou de crédibilité grignote petit à petit tout ce que le film s'était donné tant de mal à construire. Les bastons sont mal filmées et relativement ridicules (niveau action pure comme rebondissements), la chasse à l'homme tourne vite en rond, les présages menaçants s'enfoncent dans la maladresse poussive... Presque tout finit par sonner creux, même l'ambiance étrange et malsaine qui faisait tout le sel des premiers instants.


Quelque part, on peut se demander si Deroo n'a pas fini consumé par les références qui abreuvent son film, de Carpenter (musique) à Dupieux (lumière) en passant par Hitchcock (Psychose), Boorman (Délivrance), Hooper (Massacre à la tronçonneuse), etc. C'est une véritable récitation. L'ensemble est plutôt indigeste de ce point de vue-là, la sauce ne prend pas, les initiatives se retrouvent noyées dans les citations. Le film finit d'ailleurs dans une surenchère visuelle, narrative, mystérieuse et explicative vraiment misérable, enterrant définitivement l'espoir qu'il avait fait naître durant la première demi-heure. Et cette lumière rouge dans le ciel comme miroir aux alouettes...


http://www.je-mattarde.com/index.php?post/Sam-was-here-de-Christophe-Deroo-2017


[Ancien AB #207]

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le 9 mars 2017

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