Certains artistes ne sont jamais reconnu de leur vivant pour leur talent et leur productivité. Il en est un dont le nom a autrefois fait le bonheur des vidéo-club et envahit depuis toutes les étales des bacs de DVD à 1 euros l’unité. Je veux bien évidemment parler d’Albert Pyun, découvert par ses fans les plus fervents en fouillant dans la filmographie de JCVD qui avait tourné dans Cyborg. Ses films connotaient d’une envie de bien faire, mais souvent amputé de leur format cinémascope, recadré en 4/3 et dotés de faible budget obligeant le cinéaste à avoir recours à de multiple subterfuge quant il n’abusait pas des champs-contrechamps faute de conflit d’emploi du temps avec ses acteurs qui parfois se faisait face dans la même séquence sans jamais se croiser. Il est d’ailleurs de bon ton de rappeler que le cinéaste fût introduit par un certain Toshiro Mifune et fut l’assistant de Takao Saito, le directeur photo des films d’Akira Kurosawa avant de se tourner vers le monde de la série B/bis. Ce choix de carrière atypique s’explique en partie à cause du comportement juvénile de Pyun qui s’ennuyait très vite sur les tournages et préférait enchaîner les commandes et petites productions pour ne pas s’éterniser trop longtemps sur un projet, quitte à mettre en boîte ses films en l’espace de quelques jours seulement. Nemesis est néanmoins l’une de ses plus productions les plus ambitieuses, puisque les prises de vues se sont éterniser sur près d’un mois et demi, considérant les multiples localisations (Hawaï , l’Arizona, Los Angeles et le désert de Californie), les scènes d’action ébouriffante coordonnées par Terry Frazee en personne (Blade Runner, Point Break, Postman, Heat, Pirates des Caraïbes, excusez du peu…) et tumultes de tournage occasionné par le caractère tempétueux de son principal interprète le kickboxer Olivier Grunner en raison de son régime sur-protéiné, et surtout du contrôle de son producteur omnipotent qui a banqué un budget correspondant grossomodo à son numéro de carte bleu, si bien que le réalisateur se retrouvera finalement dépossédé du final cut.
L’histoire se situe au croisement de Blade Runner et de Terminator et se déroule dans un futur dystopique où les cyborgs tentent de prendre le contrôle de la Terre en démantelant un réseau de la résistance qui ne reconnaissent pas les êtres synthétique comme authentique. Si le scénario aborde les thématiques cyberpunk (contrôle de l’information, transhumanisme, quête identitaire) et notions tel que la condition de l’homme, Nemesis reste néanmoins un techno thriller très orienté action dans la veine des productions de la PM Entertainment qui sortaient à la même période et qui mélangeaient également les grands hits du moment (Robocop, Total Recall, Terminator) afin de développer des univers similaires par le biais d’intrigues hybride inutilement sophistiqué et toujours prétexte à livrer des scènes très spectaculaire. De toute façon la réflexion ne sera jamais pousser bien loin et on préférera voir les cyborgs faire parler la poudre et les explosions. Faute de pouvoir mettre en scène son histoire dans une mégalopole Babylonienne (L.A. ne sera jamais que survolé et mentionné), le réalisateur propose plusieurs environnement au style totalement antinomique (cadre crépusculaire, jungle, désert post apocalyptique, urbanisme du siècle dernier et paysage de carte postale) qui paradoxalement se marie très bien grâce au talent et au savoir faire du chef opérateur George Mooradian qui expérimente parfois différents filtres de couleur pour tenter d’insuffler une atmosphère science-fictionnel hors du temps au film et lui donner des airs de western futuriste. Finalement il n’y a rien d’étonnant à ce que les résistants se terre dans un environnement naturel et luxuriant qui les rapprochent de leur humanité en opposition aux avancées technologique et à la mainmise des grandes corporations sur-équipés (hélicoptère, mitrailleuse portative, gadget futuriste). On pourrait presque y voir une parabole grossière de la guerre du Vietnam où des agents du gouvernement se retrouvent à mener une guérilla dans un territoire hostile qu’il ne maîtrise pas et qui les mèneront plus ou moins à leur perte.
Evidemment si le film est resté à la postérité ce n’est pas vraiment pour son intrigue décousu et parfois totalement confuse, mais bien grâce à ses nombreux effets pyrotechnique qui donne au film une dimension post-apocalyptique. D’ailleurs si Albert Pyun a choisi de tourner dans des vieilles ruines sidérurgiques, c’est que cela lui permet de pouvoir tout faire sauter. Les cyborg bardé de technologie tirent comme des Storm Troopers de l’Empire et arrosent tout le décor qui se transforme en véritable gruyère (Alex qui se dégage un passage en tirant à travers le sol d’un hôtel), déforestent la jungle à grand coup de Shrapnel en veux-tu, en voilà et font exploser tout ce qui peut bien s’apparenter à des murs, des cheminées ou des éléments de décors destructibles pour le plus grand bonheur des spectateurs. Les gunfights sont particulièrement gore et nerveux, les corps subissent des déflagrations et démembrement chirurgicale et finiront le plus souvent à l’état de charpie électronique. À ce titre, les animatroniques de Fantasy II Film Effects (société spécialisé dans les trucages et effets spéciaux, responsable des premiers films de James Cameron) sont extrêmement convainquant même si on ne pourra malheureusement pas en dire autant de la séquence en Stop-motion en guise de climax qui a certainement dût souffrir des contraintes de temps. Olivier Grunner a semblerait-il été mis dans de parfaites disposition pour reproduire les ballets aériens, et acrobatie de Chow Yun Fat en dévalant des tas de sable et toboggan remplie de ciment et parvient mine de rien à porter le film sur ses épaules malgré son manque d’expérience devant la caméra. Pour cela il est accompagné de l’expérimenté Tim Thomerson (déjà vu dans Dollman et la saga Trancers) qui ne change pas de fusil d’épaule et conserve le trench et les lunettes de soleil habituel mais troque en revanche le statut de l’anti-héros pour celui du parfait salaud impitoyable et totalement déshumanisé. En dépit de ses quelques petits défauts, et faute de goût pardonnable (Rase moi cet affreux mulet que je ne saurai tolérer Olivier !) Nemesis a acquis un certain nombre de fidèle au fil du temps (dont l’auteur de ces lignes) et constitue certainement la pièce maîtresse de la filmographie d’Albert Pyun qui ne retrouvera jamais l’état de grâce artistique et d’exaltation de ce défouloir thérapeutique.
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