Magnifique conclusion à la saga... Et aussi l'un des épisodes les plus troublants et même poignants pour des raisons non cinématographiques. :(
A cette époque, Raizo Ichikawa était déjà très malade mais tourna encore cet épisode après sa sortie de l’hôpital. Je ne sais pas si Ichikawa ou l'équipe était conscient que les jours du comédien étaient désormais comptés mais on trouve quelques séquences qui semblent établir un parallèle douloureux... et annonce même un fin prémonitoire. La dernière réplique du film, prononcé par Kyoshiro Nemuri, est quelques chose comme "ça m'étonnerait qu'un Dieu existe mais je suis prêt à aller en enfer pour vérifier".
Et auparavant, il y a une stupéfiante et incroyable longue séquence d'une dizaine de minutes entre le rêve et la réalité, où des sortes de spectres blancs et noirs apparaissent alors que Nemuri dort pour danser autour de lui. Cela va conduire à un combat onirique où il va affronter des masques de théâtre flottants. Il s'échappe pour traquer un adversaire dans un temple et croise son vrai double, un reflet inquiétant d'un miroir qu'il va trancher pour atteindre sa proie cacher derrière. Le tout est filmé magistralement, dans une pénombre totale où seul apparaisse les comédiens, le décor étant entièrement noir.
Une autre séquence bénéficie d'une ambiance élégiaque prenant place dans une cimetière illuminée de centaines de bougie. Et que dire de ce double maléfique, portant un masque pâle et figé, comme si son visage était déjà mort.
Il se dégage donc de ce douzième épisode une atmosphère unique, qui doit sans doute plus à la situation du comédien qu'au scénario même. Même sans connaître son état de santé, on sent bien un ton plus funeste et introspectif. Le scénario malmène et renouvelle ainsi certaine des figures obligées comme les incontournables séquences de séduction féminine autour d'une natte qui cache un piège mortel; la seconde étant assez dérangeante. Et tant pis, si on oublie souvent en cours de route l'intrigue général à base d'enlèvement et de clinique d'avortement.
Responsable des meilleurs épisodes de la série, Kazuo Ikehiro a l'air comme investi d'une oraison funéraire et livre une succession de séquences toutes plus inspirées les unes que les autres, renversantes de beauté. Outre les magnifiques séquences évoquées préalablement, on peut rajouter les différentes parties de l'ouverture : l'assassinat d'un innocent, le viol dans les herbes (ce ralenti sur le kimono jeté en l'air !) et le raid contre Nemuri. Les différents combats sont aussi très réussis, avec de belles chorégraphies dynamiques et amples.
Il faut peut-être donc mieux être au courant du décès prématuré de Raizo Ichikawa à 37 ans pour pleinement "apprécier" cet épisode à part que j'ai adoré et qui m'a véritablement ému.