Nerve résonne comme un énorme gâchis. Et plus encore.
Car le fait que les scénaristes tenaient là comme une sorte de remake de The Game à la sauce 2.0 augurait quelque chose d'intrigant, d'intéressant et de particulièrement attirant. Mais à force de renoncement, de compromis et de castration du propos, Nerve se résume malheureusement, au bout du compte, à un simple teen movie à la sauce au goût vaguement techno et réseaux sociaux. Youpi...
Car il faudra en effet assister pendant la moitié du film à ce qui n'est finalement qu'un premier rencard improvisé, initié par le défi hautement hardcore et dangereux du "embrassez un inconnu pendant cinq secondes". Vous conviendrez qu'on a connu plus trash en matière de prise de risques... Même si on ne sait pas dans quel endroit ont bien pu traîner les lèvres qui seront choisies... Le film est donc construit selon une structure extrêmement resserrée dans le temps, qui montera dans un crescendo assez mou niveau défi, mais qui offrira cependant l'inévitable quart d'heure promo consumériste qui fera fantasmer tout ado normalement constitué. Et paradoxalement, la séquence la plus folle (mais c'est un bien grand mot) de Nerve, à savoir une évasion à oilpé d'une enseigne de luxe. Youpi...
Cette moitié du film sera donc bien plus consacrée aux grands yeux énamourés d'Emma Roberts et au charme pseudo ténébreux de Dave Franco qu'à une réflexion méta sur le rapport maître / esclave de la formule du jeu, pas inintéressante en elle-même, mais qui reste cependant, de manière frustrante, à la surface des choses. Alors que l'on pouvait tenir là un haut fait du thriller paranoïaque et de la surveillance de tout les instants, où la menace est dangereusement anonyme et la tension constante, un peu comme dans L'Oeil du Mal. Au lieu de cela, il faudra se farcir un constat embryonnaire sur la course à la célébrité numérique éphémère, la fascination de l'argent facile, le voyeurisme le plus cheap (dans ce qui est montré à l'écran, rien de bien crapoteux) et la démonstration du vide de la vie de certains ados d'aujourd'hui, rivés sur les écrans sociaux, aveuglément fanatisés et mûrs pour servir de terreau à la prochaine société tendance fasciste.
Mais tout à coup, les enjeux se tendent et le film fonctionne enfin dans son aspect thriller... Le temps d'une scène où l'on a peur et où l'on ressent de l'empathie pour l'héroïne, devenue enfin un réel pantin qui ne contrôle plus rien, jouet entre les mains de la multitude. Mais avant cela, il faudra se fader les sempiternelles disputes adolescentes vues sous l'oeil des I-phones, et surtout se cogner une caractérisation des personnages secondaires dignes d'un épisode de Gossip Girl. Youpi...
Tout cela avant que Nerve n'explose littéralement en vol dans son dernier quart d'heure. les enjeux s'accélèrent mais les raccourcis sont légions. Le film veut se montrer plus grave, ce qui n'est pas un tort en soi, bien au contraire. Mais il monte cependant trop haut dans sa version toute personnelle des nouveaux jeux du cirque, tout en se dégonflant de manière honteuse dans sa dramaturgie, ce qui a pour effet de totalement saborder ses enjeux dans un message tout d'abord digne d'une campagne made in gouvernement contre l'addiction aux jeux vidéos, puis de dédramatiser lamentablement ce qui a laborieusement fait monter en suspens. Youpi...
Nerve fonctionne dès lors par hoquets épars, le temps de quelques scènes qui, enfin, prennent conscience qu'il est nécessaire d'aller au delà de la romance teen classique et neuneu, aux seconds rôles archétypaux et aux situations les plus convenues. Il a aussi le bon goût de mettre en tête de gondole le joli minois encore juvénile d'Emma Roberts, qui fera certainement craquer les coeurs caramels les plus tendres et les plus sensibles.
Mais la longue liste de défauts déjà abordée fait de Nerve une oeuvre extrêmement timorée, castrée et qui ne va jamais au bout de ce qu'il veut dénoncer, restant systématiquement à la surface des choses, osant à peine montrer à la jeunesse qu'il met pourtant en scène le reflet anonyme et déshumanisé de ce que l'écran de l'I-phone ou de leur portable leur renvoie : un vide abyssal effrayant par instant, un faux sentiment de liberté et de plaisir immédiat sans contrainte.
Le progrès est pourtant en marche...
Behind_the_Mask, voyeur qui reste sur sa faim.