The mad prophet of the airwaves
*Musique de présentation, applaudissements de la foule, bandeau publicitaire pour la marque Spoiler spoiler, l'huile de bison magique que chaque ménage américain se doit d'avoir dans son placard pour tenter de noyer le poisson*
Mesdames, mesdemoiselles, messieurs, bienvenue parmi nous !
Je suis ravi de retrouver votre aimable présence sur Sens critique à mes cotés alors que l'honorable institution totalise désormais plus de 3 milliards de caractères, petits symboles noirs s'agitant sur l'écran lumineux pour décrire l'émotion, l'indignation, la résignation et l'exclamation face à la création artistique plus ou moins contemporaine.
Cependant tandis que vous me lisez avec un sourire somme toute assez récurrent et incohérent sur votre visage, j'aimerai que vous compreniez qu'il manque beaucoup de choses autour de nous. Sommes nous les représentants de l'espèce la plus évoluée sur terre, nous qui détruisons cette dernière sans vergogne tout en ne respectant pas l'ordre naturelle que nous nous acharnons à détruire ? Sommes nous vraiment les adhérents d'une principe philosophique et moral censé être propre à la civilisation occidentale, nous qui détournons le regard face à la pauvreté, la souffrance et l'exploitation ? Sommes nous plein de sympathie pour nos frères, nos soeurs, de l'espèce humaine alors que nous nous refermons de plus en plus sur nous même ? Sommes nous vraiment innocents, nous qui bien souvent sommes dans un état passif avancé ? Méritions nous vraiment ce confort alors que justement chaque jour la peur, l'inquiétude, le dirigisme, l'insécurité, la haine, l'empatement dans une situation qui ne nous convient pas gagnent du terrain ? JE DIS NON ! Et je vous incite à dire non avec moi ! Je ne vous dirai pas quoi faire ! Je ne vous dirai pas d'envoyer une lettre à la présidence, je ne vous dirai pas de manifester. Je vais vous demander de vous mettre en colère, de retrouver cette colère légitime qui est enfouie au fond de vous.
Nous rendons nous bien compte du poids que fait peser la société sur nos frêles épaules ? Mais surtout, qu'est-ce que la société ? La société c'est un théâtre où l'État essaye encore de faire croire qu'il a de l'importance alors que nous le voyons dépassé, incapable d'imposer sa volonté à ceux qui comptent, aux puissants, aux sociétés, aux banques. Nous faisons ce que nous voulons, croyons nous, mais laissez la liberté totale à n'importe quel homme et il se retrouvera désemparé, à ne pas savoir qu'en faire ! Vous n'êtes pas des Belges, vous n'êtes pas des Français, vous n'êtes pas des Américains, vous n'êtes pas des canadiens, vous n'êtes pas des Luxembourgeois, vous n'êtes pas des Tunisiens ... Ou plutôt ... vous ne l'êtes plus. Vous êtes des consommateurs de plusieurs marques, vous êtes des affiliés Mac, des affilés Pepsi, des affiliés M6, des affiliés GDF, des affiliés CIC, sans identité propre, interchangeable avec votre voisin ! Vous êtes ce que fait de vous l'infernal lavage de cerveau médiatique, vous êtes les enfants de l'écran !
Alors j'aimerai que vous fassiez comme moi, au moment où vous lisez ces lignes, j'aimerai que vous vous leviez, les poings serrés et la tête levé fièrement, que vous vous dirigiez vers votre point de vente culturelle le plus proche et que vous leur disiez "I'm mad as hell and I'm not going to take it anymore ! Give me as fast as you can the dvd of Network !".
Car qu'est-ce que Network ? C'est mon sujet au départ et si vous lisez toujours c'est que vous n'êtes pas encore aller vous le procurer et que je me dois de vous convaincre. Je peux commencer par vous dire que son réalisateur pour son coup d'essai avait fait 12 hommes en colère, je tiens à vous préciser que ce n'était QUE son coup d'essai et que Network loin de cet optimisme et de cette analyse du bon qui sommeille en chaque américain est nettement plus prenant, passionnant, scotchant. Je peux aussi vous dire que le film a reçu 10 nominations aux oscars (dont meilleur photographie, meilleur réalisateur etc ...) et au final en a reçu 4 dot meilleur scénario original et sinon des récompenses pour ces acteurs de qualité, que dis-je de folie !
En effet tout le coup de génie de Network c'est de partir d'une situation tout à fait normal, d'un licenciement qui ne suscite pas beaucoup d'empathie puisqu'on ne connait pas encore les personnages, avec les commentaires d'une voix off qui pourrait presque faire croire à un documentaire, pour décrire finalement une évolution sociétale, une tendance honteuse qui n'a jamais été freinée, un chemin vers l'excès, l'absurde, la déshumanisation, la folie ...
Nous suivons donc une chaine, rachetée il y a peu par des actionnaires aux escarcelles avides, qui voit en son sein la lutte entre deux conceptions de ce que doit être la télévision, une qualité ou une rentabilité. D'une part il y a un peu d'hypocrisie puisque malgré une conscience professionnelle on recherche tout de même l'audimat et d'autre part il y a cet excès qui se traduit par l'exploitation de ce qu'il y a de plus avili, de plus simple chez le spectateur (l'attirance pour le sensationnelle, la captivité du spectateur face au grandiose et sa fascination pour le trash, la violence).
Cette lutte sera incarnée par quelques personnages tous incroyables et à se pâmer, autour d'un présentateur des infos qu'on tentera de transformer en phénomène médiatique dans sa descente vers le cynisme, l'exaspération du système et le mysticisme. Un grand voyage d'exploration entre l'âme humaine, les mécanismes économiques et de foules, dans la transe fiévreuse de l'exaltation de masse et de la manipulation de ce public consommateur.
Donc le propos est intéressant, les acteurs sont à tomber, la réalisation est intelligente en plus d'être belle.
Si après tout ça vous n'êtes toujours pas parti l'acheter, c'est que vous êtes toujours à scruter cet écran et qu'il est donc d'autant plus tant pour vous de voir ce film.
Ps : En plus sa moyenne est proprement scandaleuse, 7,8 à peine ! Prière de mettre entre 8 et 10.