Network est un grand film. Non pas gigantesque, boursouflé de sa propre importance. Grand. Sec, taillé à coups de serpe chirurgicaux. Que du nerf et des tripes, pas de chair inutile, pas de gras dégoulinant. Pourtant lesté d’un scénario brassant tout ce qui peut déboucher sur du pompeux grandiloquent, Network parvient à réaliser un exercice d’équilibriste sensationnel évitant bien des pièges du film à « message ». Cela est rendu possible par un Sidney Lumet doté d’une science du cadrage, de la lumière et du montage rendant la narration aussi fluide qu’implacable. Il n’y a pas une seconde à retrancher, pas une scène à minorer. C’est formellement parfait.


C’est presque une gageure de s’attarder sur le casting. Le kaléidoscope de personnages s’inscrivant tous parfaitement dans l’histoire qui nous est contée est servi par des gueules habitées par leurs rôles. Au sommet, Faye Dunaway tient la dragée haute à un William Holden pourtant époustouflant, tandis que Peter Finch traverse la pellicule comme un spectre étouffant, de plus en plus glaçant et pitoyable à la fois. Passons également la tirade exceptionnelle de Ned Beatty ou le charisme fulminant de Robert Duvall…


En s’appuyant sur une réalisation millimétrée, Network évite l’écueil du film qui assène son message à coups de burin. Ne vous laissez pas abuser par le pitch du film. Si son thème est la satire de la télévision, l’emprise qu’elle peut avoir sur le peuple, l’assagir, le canaliser en lui servant de la soupe prémâchée (Ses accents de Cassandre en 1977 ont aujourd’hui la texture d’un effet Pygmalion qui fait frémir), sa thèse va bien plus loin. Network réalise le tour de force de plonger petit à petit son spectateur dans une atmosphère de dystopie immédiate qui déborde inexorablement de l’écran pour vous envahir l’esprit et les boyaux.


Au bout d’une heure de visionnage, on se dit que ce film est génial et on craint que la pression redescende. A une demi heure de la fin, on pense avoir vu le meilleur, le sommet, qu’importe la conclusion. Quand enfin le la dernière scène débarque, on préfère se rappeler que tout ça n’est qu’une fiction, on s’extirpe difficilement de cette sensation gluante d’avoir touché à l’indicible réalité. On n’a alors qu’une envie, irrépressible, aller se désinfecter immédiatement tant ce contact fut affreux.


Network est un grand film.

Hypérion
9
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le 7 oct. 2013

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Hypérion

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