Princesse Mononoké est un film à part dans la carrière de Miyazaki, une étape autant qu'une sorte de testament de son art. C'est peut être ce qui en fait l'un de ces films les plus adulés parmi ses fans. Il marque la fin d'une ère dans sa carrière, puisque qu'après Princesse Mononoké, Miyazaki ne (re)dessinera plus personnellement les celluloids, donnant avant tout ses directives et s'appuyant de plus en plus sur ses animateurs, qui useront bien plus de l'infographie que du dessin artisanal. L'évolution de "patte graphique" entre Princesse Mononoké et Le voyage de Chihiro est en ce sens flagrante.
Princesse Mononoké, c'est son film le plus sombre, le plus violent, quasiment dépourvu d'humour, avec un héros mélancolique et fataliste, une héroïne pleine de haîne et de dégout, une "méchante" à la fois insensible et humaniste, miséricordieuse et cruelle... Comme pour mieux ancrer son film dans cette atmosphère pesante, Miyazaki le fils d'aviateur se passe de tout élément aérien, chose inédite dans sa filmographie. Princesse Mononoké est terrestre, plus qu'aucun autre de ses films. Enraciné dans son Japon de chimères, il est forcément écologique. Mais une écologie combative, furieuse, féroce, aussi violente que peut l'être l'adversaire humain.
La nature, représentée par une forêt dense, touffue, plongée dans la pénombre, et personnifiée par des animaux gigantesques, fait la guerre à d'industrieux forgerons humbles mais résolus, eux mêmes assaillis par les seigneurs de guerres du Japon féodal. La guerre, encore une fois est condamnée avec force par le maître du studio Ghibli.
Parce que Princesse Mononoké est marqué par cette dimension tragique, cette quasi absence d'espoir, son impact épique et émotionnel est démultiplié. Jamais une histoire d'amour n'a paru plus impossible et plus belle que celle de San et Ashitaka, jamais les motivations d'un adversaire comme Dame Eboshi n'ont été mieux comprises, jamais le caractère sacré de la nature, au sens shintoïste du terme, n'a été mieux retranscrit... Jamais les horreurs et les incongruités de la guerre n'ont été mieux transmises à un jeune (et moins jeune) public.
Pour accompagner ce chef d'oeuvre visuel narrant une histoire poignante et empreinte de mysticisme, Joe Hisaishi signe certainement sa meilleure bande son. Le souffle des batailles, la lutte des sentiments, la force de l'amour contrarié, la divinité diffuse des choses, chaque note le personnifie, chaque partition du compositeur l'incarne, et l'orcherstration est tout simplement extraordinaire.
Princesse Mononoké est un superbe film d'animation, qu'il est urgent de découvrir si ce n'est pas encore fait.