En regardant Princesse Mononoké, je ne peux rien dire. Je deviens muet comme une cape. Celle de Superman.
Je suis dedans comme un gamin. Et en y réfléchissant, après, puisque pendant je suis ailleurs, c'est pas à ça qu'on reconnaît un chef-d’œuvre?
À cette faculté qu'a une œuvre à t'emmener, te trimbaler, tout dans la tête, sorte de voyage astral dans un fauteuil?
Ça me ramène à quand j'étais gamin.
Quand j'étais cet être qui, d'un morceau de bois dans une main pour épée, un amas de carton pour château-fort, partait vers l'aventure combattre dragons et sauver princesses. Souvent l'inverse, les princesses de mon coin étaient plus méchantes que mes dragons imaginaires.
Quand d'une pichenette de mon poignet expert je faisais sauter le logo Mercedes des voitures du voisinage et que j'en faisais des shuriken, devenant le ninja des bacs à sable du Bas-Montreuil.
Et pour ça, Mononoké, c'est une agence de voyages. Un joyau magique. Un périple dans un monde qui n'existe plus. Un monde de légendes qui n'en sont pas encore.
C'est croiser un sanglier géant, un dieu. Fou de douleur, transformé en démon. Terrassé par un prince courageux (moi) protégeant son village. Ashitaka condamné, damné à son tour, pour un simple contact avec la bête.
C'est entrer dans une forêt interdite, magique, flamboyante et effrayante aussi.
Ce sont d'anciennes catins devenues Dames des Forges, avant d'être des guerrières quand menacent les dangers. C'est Dame Eboshi.
Ce sont des lépreux-armuriers, un Dieu-cerf qui marche sur l'eau, des sangliers belliqueux et c'est tomber amoureux.
Suivre Ashitaka, ce prince des hommes, amoureux de Mononoké, la princesse des loups, est un voyage entre démons et merveilles, traversé de fulgurances d'une brutalité inouïe, nimbé d'une poésie crépusculaire.
Un tourbillon barbare qui te fait te recroqueviller quand ça fait peur et t'émerveiller quand tout est si beau, que tout explose dans une féerie de couleurs.
Ce film me ramène à cet état que j'ai envie de qualifier de primaire. Quand je n'étais qu'une boule à jouer, un soiffard de la cascade à vélo dans les pentes abruptes des parkings, un terroriste de la crotte de chien.
Ça me ramène à quand j'étais gamin. Et j'adore ça.
Et puis, quand, entre parenthèses un moment, essoufflé, tu reviens à la réalité. Tu clignes un peu des yeux.Tu en profites pour essuyer la poussière qui s'y niche. Et la larme aussi. Que tu changes ton t-shirt gorgé de bave. Déchiré d'avoir trop tiré dessus aussi.
T'as envie d'y retourner.
Comme un gamin.
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