Quand on pense à la Hammer on pense forcément aux grandes figures mythique de l'horreur et de l'épouvante comme Dracula, Frankenstein ou encore La momie. Pourtant le studio britannique a produit quelques films un peu en marge du genre comme ce Never Take Sweets From a Stranger réalisé en 1960 par Cyril Frankel, un thriller dramatique pas si éloigné du genre si cher au studio tant il nous propose un monstre aussi terrifiant qu'ordinaire et surtout une épouvantable tension.


Never Take Sweets From a Stranger dont le titre sonne comme un avertissement nous raconte l'histoire d'un couple et de leur jeune fille, venus d’Angleterre et récemment installés dans une petite ville du Canada. Un soir leur fille de neuf ans prénommée Jeans, raconte en toute innocence qu'avec sa copine elles ont dansé nues pour un vieux monsieur contre quelques bonbons. Ce vieux bonhomme n'est autre monsieur Clarence Oldberry Senior patriarche respecté et partiellement fondateur de la ville.


Le film de Cyril Frankel est adapté d'une pièce de Roger Garis et l'aspect théâtrale se fera parfois un peu sentir, le film semble d’ailleurs être découpé en trois actes et s'appuie essentiellement sur son intrigue et ses comédiens. Pour commencer on saluera déjà l'audace du propos de Never Take Sweets From a Stranger qui dès 1960 traitait donc de pédophilie et surtout de notions toujours débattus aujourd'hui comme la prise en compte de la parole de l'enfant comme une vérité absolue. Peut être trop en avance sur son temps, trop abrupt sur une vérité alors soigneusement et honteusement cachée à l'époque le film de Cyril Frankel ne rencontrera pas plus de succès critique que public lors de sa sortie. Il faut reconnaître que le film gratte de douloureuses plaies et montre comment toute une ville va d'un coup se liguer contre une vérité qui dérange jusqu'à mettre au banc de cette micro société ce couple et leur fille afin de protéger leurs propres intérêts. Dépassant même le cadre de la pédophilie ; Never Take Sweets From a Stranger interroge sur la prise en compte de la parole des victimes face à la puissance de la réputation d'un seul homme. Le film comporte des séquences fortes comme ce policier encourageant les plaignants à laisser tomber, ce père de famille éloignant sa fille pour qu'elle ne puisse pas témoigner contre cet homme ou les commérages de salon de coiffure jetant le doute sur la moralité de la jeune victime. Une tension et une pression psychologique qui culminera lors d'une séquence de procès ou la jeune fille sera interrogée sans précautions ni états d'âme par un avocat de la défense sans scrupules avec la violence d'une torture psychologique. Never Take Sweets From a Stranger est un film qui agace, qui interroge, qui énerve et qui bouscule le spectateur qui semble aussi impuissant que ce couple et leur fille à regarder cette machine insidieuse et implacable à briser et réduire au silence. Impossible ensuite de ne pas évoquer le dernier acte du film tant il est d'une grande puissance dramatique et qu'il glisse vers l'épouvante et l'horreur (Partie Spoiler Donc!)


Afin de protéger leur fille contrainte par l'avocat de la défense à subir des examens psychiatriques, le couple finira donc par retirer sa plainte. Les deux gamines finiront un peu plus tard par recroiser le vieil homme dans les bois et s'enfuiront alors qu'il se met à les pourchasser. Mutique, fragile et tremblotant le vieil presque inoffensif d'apparence va pourtant faire figure de véritable loup prêt à dévorer l'innocence de ses jeunes victimes dont les yeux remplis de terreur reflètent toute la monstruosité de la rencontre. Cette menace est alors bien plus terrifiante que bons nombres de créatures horrifiques imaginaires proposées par le studio et cette fuite dans les bois de deux gamines poursuivie par cet homme potentiellement dangereux ne pourra aboutir qu'à une issus des plus tragique et traumatisante après une folle tension savamment orchestrée. On ne va pas rajouter du spoiler au spoiler mais amateurs de happy end vous pouvez passer votre chemin (Quoi que??).


Comme évoqué plus haut le film s'appuie essentiellement sur son intrigue et ses personnages et donc son casting. Pas de grosses vedettes à l'affiche mais un casting ultra solide et carrément un sans fautes niveau interprétations. On connaît tous cet adage qui dit que meilleur est le méchant, meilleur est le film ; je commencerais donc cette partielle énumération du casting par Felix Aylmer formidablement angoissant dans le rôle de Clarence Oldberry Senior alors que paradoxalement il ne fait presque rien, ne dit pas un mot et ressemble à un paisible vieux papy un poil décati. Pourtant ses regards insistants, sa présence presque animale suffisent à en faire une terrifiante menace. Dans le rôle de l'avocat de la défense prêt à tout pour faire craquer la jeune victime on retrouve Niall MacGinnis (Jason et les Argonautes L'île de la Terreur ) qui incarne à merveille ce personnage hautement détestable de par sa fonction. Dans le rôle du père on retrouve Patrick Allen ( Les Oies Sauvages Quand les Dinosaures Dominaient le Monde) ; la mâchoire carré, presque toujours sous contrôle l'homme incarne une sorte de maîtrise policée au point de sembler parfois trop passéiste. Quant à la mère courageuse et pugnace confrontée aux doutes de l'ignominie elle est incarnée avec beaucoup de sensibilité par Gwen Watford qui n'a visiblement jamais eu une carrière digne de ses qualités mises en avant dans le film. Et puis forcément un petit mot sur la jeune Janina Faye qui mine de rien à moins de quinze ans avait déjà tournée dans Le Cauchemar de Dracula, Les Mains d'Orlac, Les Deux Visages du Dr Jekyll ou La Révolte Des Trifides ; la jeune comédienne est excellente, pas forcément naturelle, mais parfaite dans ce jeu un peu ampoulé caractéristique de l'époque. En tout cas toutes les scènes dans lesquelles elle apparaît maque durablement les esprits que ce soit sa confondante et innocente confession sur ce qu'elle a subit, son éprouvant interrogatoire dans le tribunal ou sa fuite dans le bois avec son amie Lucille. A noter aussi les très belles images en noir et blanc avec un certain Freddie Francis comme directeur de la photographie et future réalisateur de plusieurs grands classiques de la Hammer.


Never Take Sweets From a Stranger est un formidable petit film qui prouve que l'horreur se cache souvent sous des figures plus ordinaires que monstrueuses


freddyK
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le 29 mai 2023

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Freddy K

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