(...) Bon, je prends sur moi, sèche mes larmes, et vais voir à la place en compétition internationale NH10, un film indien de Navdeep Singh, dans le quel Meera abandonne son compagnon Arjun à une fête pour retourner à son bureau. Mais sur le chemin, elle est victime d’une agression. Elle s’échappe mais n’en demeure pas moins profondément traumatisée. Arjun décide alors d’organiser un séjour dans le désert pour que Meera et lui se changent les idées, après lui avoir procuré une arme. Le film est une bonne surprise (non, ça ne chante pas dedans), et oscille intelligemment entre le survival et le rape’n’revenge. Le film ouvertement féministe déroule son histoire avec en toile de fond la culture indienne du patriarcat, du viol et de la misogynie, bien ancrée dans une société qui voit le creuset des classes s’accentuer de plus en plus, par exemple entre les grandes villes et la campagne. On se retrouve devant une espèce d’Eden Lake dans la campagne indienne, dans lequel nos deux protagonistes, un couple moderne à mille lieux des obligations de castes et de sous-castes qu’il peut encore exister dans certaines parties plus reculés du pays. Le film résonne assez bien avec une actualité répugnante, qui choque aussi bien le pays lui-même que l’opinion internationale. Bref… Passé le contexte politique, le film prend avant toute chose le temps d’ancrer ses personnage dans une réalité sociale crédible grâce aux deux protagonistes, cadre actifs d’une société qui évolue trop vite, et est finalement trop éloignée de l’ancien système indien. Certes un peu cliché, les deux personnage n’en sont pas moins attachants, et il se dégage d’eux une vraie fragilité. L’homme qui veut jouer son rôle d’homme n’est pas badass pour un sou, et la femme s’en remet à ce dernier quand il s’agit de se protéger… jusqu’à ce qu’ils se retrouvent confrontés à une vraie situation de danger, dans laquelle les rôles qui nous sont établis par les normes sociétales, volent en éclats. S’en suit une longue traque entre la femme et les bourreaux, dans laquelle elle se retrouve confronté à l’arrièrisme des zones rurales (cf. article). La mise en scène très classique n’en est pas moins efficace, et colle durant tout le film à la protagoniste. Ainsi, on se retrouve bloqué avec elle durant presque 2h, impuissant. Le long-métrage préfère d’ailleurs mettre en avant ce sentiment de claustrophobie campagnarde plutôt que de s’amuser à un étalage de la violence. Cette dernière s’instille progressivement dans l’image, jusqu’à un dernier acte cruel et amoral à souhait. N’hésitant pas à montrer le racisme, l’intolérance et la corruption de ces mêmes zones rurales, le film a échappé de peu à l’interdiction totale devant la commission indienne. La tristesse de mon début d’après-midi c’est donc envolée…
Tiré du journal de l'Étrange Festival de Paris : lire l'article entier sur mon blog...