Dans une région d'Afghanistan, un capitaine à la tête d'une petite section de soldats français s'occupe de la surveillance d'un petit village de bergers face aux talibans. Du haut de leurs deux avant-postes, les hommes regardent la vallée et y éloignent ceux qui s'y approcheraient trop près. Mais des hommes commencent à disparaître d'une façon mystérieuse.
Un film sur les chocs de la guerre mais qui pose les questions via le genre du fantastique, voilà la particularité singulière de ce film franco-belge. Tous les malaises des soldats, les traumatismes, viennent de la confrontation avec l'inexplicable et le mysticisme.
Le film pose cette question simple mais troublante, une question frontale qui pourrait être posée par un enfant et qui gênerait les adultes : Où vont les disparus ?
Voilà le postulat terrifiant. Les militaires engagés au front vivent au quotidien avec la disparition de leurs camarades. Ici, la disparition se fait encore plus concrète, plus subite et brutale, de manière totalement incompréhensible. Chez l'ennemi aussi, des hommes disparaissent. Alors on s'organise, on cherche le corps, on cherche et on donne parfois des explications, même les plus folles, on refait l'expérience, on se pose des questions, on creuse (ici littéralement), on pense qu'on y arrive mais on ne trouve pas.
Il y a aussi les questions des autres, qui viennent de plus loin et qui ne savent pas comment c'est ici, celles de la femme d'un des disparus. Où est-il ? On ne peut pas répondre. Parce qu'on ne sait pas et parce qu'on n'a pas le droit de le dire. Après tout ce sont des choses qui arrivent souvent : perdre un homme, c'est commun à la guerre. Mais comment peut-on continuer d'en perdre dans l'absence de combat ? Aucun blessé lors d'une sortie, mais quatre disparaissent sans aucun coup de feu.
Alors, on se dit que ça doit être Lui. Il a fait la Terre, les arbres, les femmes et les hommes. Maintenant Il les reprend, un par un. Dans cette vallée, loin des lois de la civilisation, ce sont les lois des croyances qui règnent, les lois de Dieu ou d'Allah. Les gens du village le savent : si un homme ou un animal s'endort sur ces terres, alors il sera repris.
Clément Cogitore met en scène avec brio un troupe d'hommes perdus dans leur propre folie, que les scènes de nuit, au plus proche de la tension, montrant leurs visages illuminés par la seule lumière étrange de la vision nocturne. L'écriture très réussie, en partie grâce à la collaboration de Thomas Bidegain, le scénariste des derniers Jacques Audiard (et dont le prochain film Les Cowboys sort en fin d'année).
Le casting est très réussi aussi, ne tombant à aucun moment dans la caricature, et porté vers le haut par Jérémie Renier et un ensemble de seconds rôles masculins choisis parmi le meilleur des révélations : Kévin Azaïs, Finnegan Oldfield, Swaan Arlaud notamment.
Un film troublant, hypnotisant et profondément mystique, agréable à découvrir dans le paysage cinématographique actuel et révélateur d'une montée de nouveaux talents, aussi bien de cinéastes et d'acteurs que de producteurs et de scénaristes.