Le titre d'abord : si ce n'est ni le ciel, ni la terre, alors quoi ?
Vers quoi tourner son regard et ses prières, quand l'espoir vient à manquer dans le cœur des hommes ? Quand l'incompréhensible mystère ne trouve aucune réponse dans le ciel sans écho ? Et face à la terre qui mange les morts redevenus poussière, quelle révélation attendre ?
Ce premier film de Clément Cogitore (né en 1983... "aux âmes bien nées" etc.), sélectionné à la Semaine de la Critique, César du meilleur premier film 2016, est une véritable prouesse, une oeuvre inclassable, dense, sibylline et profonde, aux interprétations multiples, qui ne laissera aucun spectateur indifférent. Le scénario est assez simple : sur une base militaire nichée dans les montagnes rocheuses afghanes, des militaires de l'OTAN chapeautés par le capitaine Antarès (formidable Jérémie Rénier) se volatilisent les uns après les autres. Face à l'incompréhensible, le danger semble partout et nulle part. L'atmosphère menaçante est renforcée par les plans de nuit et les visions en caméra thermique, ainsi que par la présence à l'hostilité flottante de talibans qui, eux aussi, voient les leurs disparaître.
La mise en scène haletante n'est pas sans rappeler la chasse à l'homme souterraine de Sicario, tandis que le climat de paranoïa qui s'installe dans le groupe et l'absence d'un ennemi clairement identifié sont à rapprocher de l'ambiance au suspense savoureux de The Thing.
De même qu'à l'instar d’œuvres comme Le Désert des Tartares, ce drame militaire raconte l'attente, les heures passées à tenter de comprendre, la durée qui s'étale sans la moindre avancée, les jours et les nuits qui défilent et leur lot d'espoirs déçus. On aurait tort de le ranger dans le registre fantastique - aucune créature surnaturelle à l'horizon - à moins de mettre sous ce terme tout événement inexplicable.
En revanche, Ni le Ciel Ni la Terre révèle un passionnant sous-texte métaphysique teinté de mysticisme, accentué par les passages religieux du film mais aussi par la scène de fin, immensément poétique, ce ciel nocturne, opaque, troué par quelques fusées de détresse.
Modeste feu d'artifice en hommage aux disparus, dernier cri silencieux vers le ciel muet, façon de dire au revoir à tous ceux qui sont partout et nulle part - les morts, ces mystérieux évaporés qui font le cœur inguérissable.