Je vais encore pester sur le besoin d'identification immédiate de ce que le monde cinématographique peut proposer aujourd'hui. Car on vous parlera à l'évidence du fait que Ninja Turtles : Teenage Years, c'est comme Spider-Man : New Generation, ou Across the Spider-Verse. Tout cela pour vous dire que Ouuaahh ! C'est trop atypique et que c'est nécessairement génial.
Sauf qu'avec une telle image en tête, le spectateur sera immanquablement déçu. Car il ne retrouvera pas le déchainement pop art de Sony ou la restitution à l'image de l'incroyable énergie cinétique décuplée de Miles Morales. Et cela ferait presque penser que le dernier-né applique de manière opportuniste la dernière approche à la mode dans le monde de l'animation.
Oui, en effet, Teenage Years offre bel et bien, au niveau graphique, quelque chose qui peut être qualifié de « autre ». Mais cela sera à l'évidence moins chatoyant, moins immédiatement exubérant ou dynamique. Sans pour autant être dénué d'intérêt et d'un certain charme, bien au contraire. Car le cel shading un peu brut au premier abord est rehaussé de l'habillement des gribouillis d'enfants et d'un certain sens du street art, tout en revêtant, en plus d'une occasion, l'impression de volume tangible caractéristique d'une animation en stop motion.
Nos Tortues Ninja new look adoptent donc bel et bien une identité singulière, ici une quasi poésie du béton, qu'il est au minimum dommage d'anonymiser, voire d'invisibiliser, en la comparant de manière immédiate et stérile à celle d'un mégahit.
Le film s'empare de la mythologie des tortues pour mieux la ramener vers l'âge parfois un peu bête de l'adolescence. Mais surtout à la réinterpréter, comme un rappeur qui livrerait le remix d'une chanson familière. Quitte à, sans doute, susciter des débats qui ne manqueront pas de fleurir sur les réseaux asociaux quant à, au pif, la nouvelle représentation d'April O'Neil, ou encore le rôle de Splinter, qui passe de la fonction de senseï quasi mystique à celle de papa-poule qui ne perd cependant jamais sa maîtrise de l'art du combat.
Une occasion pour Seth Rogen de régler sa focale sur un parallèle intéressant entre Splinter et l'antagoniste de cette aventure quant à la conception de la famille et la place réservée aux freaks dans un monde jugé normal, où les humains sont jugés et représentés à l'image comme des ennemis. La dynamique entre les principaux personnages sonne quant à elle juste, tandis que les bad guys mis en scène donnent dans une variété rafraîchissante.
Teenage Years reprend enfin, en forme de clins d'oeil, quelques motifs de films de super-héros plus évidents comme X-Men, ou encore de la saga Spider-Man, avec son Jonah Jameson au féminin ou encore les habitants de la ville, comme une véritable entité, qui prennent fait et cause pour leurs sauveurs dans une dernière ligne droite tout aussi généreuse que spectaculaire.
Et si l'on pourra peut être regretter que le scénario soit des plus classiques, où que le thème de la famille pourra un petit peu déborder dans son traitement final, cela n'empêche cependant pas Teenage Years de se montrer attachant et amoureux de son matériau de base, qu'il donnera envie de (re)découvrir.
Tout pour plaire, divertir et jouer sans cynisme avec une forme de nostalgie.
Behind_the_Mask, alias le rat-molli.