Hasta la victoria siempre
Sous la pression internationale, le dictateur Chilien Pinochet, au pouvoir depuis ce fameux 11 septembre 1973, organise un referendum pour légitimer son régime. Alors que sa victoire ne fait aucun doute chez ses partisans, le Non l’emporte sous l’impulsion d’une campagne de communication des opposants au régime à Pinochet profondément optimiste et porteuse d’espoir.
Au delà de l’histoire qui est à la fois unique et passionnante, le réalisateur Pablo Larrain fait graviter son film autour d’un personnage principal complexe : le jeune publicitaire René Saavedra, qui va diriger la campagne de communication pour le Non. Enfant de la dictature, René a connu une ascension professionnelle fulgurante qui reflète la croissance économique du pays. Alors que des opposants au régime sont enfermés et torturés, il est à la fois acteur et aux avants poste du développement de la consommation de masse au Chili.
A l’image du personnage principal du film précédent de Pablo Larrain ; Santiago Post Mortem, le jeune publicitaire est passif politiquement. Dans les deux films, c’est un concours de circonstance plus que l’émergence d’une conscience politique qui va déclencher un engagement dans le rapport de force entre les opposants et les partisans de Pinochet.
Sous le regard médusé des opposants historiques au régime de Pinochet, le personnage principal va vendre la démocratie avec la même rhétorique utilisée pour vendre des bouteilles de Coca. Grâce à des images d’archives passionnantes, le réalisateur montre ainsi les 2 camps utiliser les mêmes armes, dans des campagnes publicitaires avec le recul aussi kitsch que ridicules. Ce va et vient incessant entre la réalité et la fiction rend l’ensemble immersif et homogène, d’autant que le film est tourné avec des caméras de l’époque.
On sent ici le cynisme et la lucidité du réalisateur qui présente la démocratie comme un produit marketing. Le film montre bien que le combat politique n’a pas forcément été tenu par des hommes de conviction et d’idées, mais par des communicants rodés aux pouvoirs des images.
Au delà de l’intelligence du film, j’ai apprécié la capacité du réalisateur à nuancer son propos, qui ne se contente heureusement pas d’un réquisitoire contre le système démocratique. La scène magnifique de la réaction du jeune publicitaire à la victoire du non au referendum contribue à ranger ce film parmi les très bonnes surprises de ce début d’année.