Michael Bay + surdose d'amphétamine = film d'auteur !
Michael Bay, pour ceux qui ne connaîtraient pas, se trouve être l’ambassadeur officiel du cinéma hollywoodien écervelé. Qui propose des blockbusters sans profondeur mais plutôt du grand spectacle où tout explose et fait du bruit, pour un coût moyen de 100 millions de dollars. Soit laissez-vous vous prendre au jeu et appréciez ces films pour ce qu’ils sont, soit passez votre chemin ! Mais qu’importe, personne ne se serait douté qu’un jour, cet homme ferait une pause (entre Transformers 3 et le futur quatrième opus qui sort l’été prochain) pour se pencher sur un long-métrage qui lui tient à cœur, avec un budget modeste (à peu près 26 millions de dollars, soit seulement 7 millions de plus que Bad Boys). Cela a-t-il des conséquences ?
Pain & Gain (inutilement No Pain No Gain en Français…) est avant tout une vision de la part de Michael Bay. Celle qu’il a de ce qu’on appelle – et que le cinéma hollywoodien a si souvent représentant depuis sa naissance – le rêve américain. Cet idéal où tout semble parfait et qui suinte la puissance. Le cliché incommensurable du patriotisme américain ! Que ce cher Mr. Bay nous met ici en valeur en adaptant ici un fait divers qui s’est déroulé d’octobre 1994 à juin 1995. Soit les aventures criminelles du « Sun Gym Gang ». Un groupe de bodybuildés, s’étant rencontrés dans un club de gym (le Sun Gym) qui ont enlevé une personne afin de lui prendre tous ses biens pour mener la belle vie. Allant jusqu’à en redemander et provoquer un meurtre. La métaphore idéale, n’est-ce pas ? Des hommes qui se croient amplement parfait avec leurs corps aussi musclés qu’un Mister Univers, qui se permettent de penser à voler un riche socialement indigeste (qui critique tout au point de mépriser les gros, les moches et les pauvres) afin de mener la vie qu’ils disent mériter. Le rêve américain quoi !
Une ode à ce rêve idyllique ? Pas tout à fait, voire même pas du tout ! Car Michael Bay, pour une fois de toute sa carrière, sort des sentiers battus. Il use même des clichés inconditionnels d’Hollywood (le drapeau américain en fond, les personnages filmés caméra à leurs pieds pour donner un sentiment de grandeur…) pour faire de son Pain & Gain une critique de ce qu’il semblait pourtant être son gagne pain habituel. En donnant une image assez négative du rêve américain que s’imagine son trio de pieds nickelés. Car ces derniers pensent mériter ce dernier car ils se sentent parfaits de par leur puissance physique. Un détail montrant que la belle vie n’est donc permise qu’à ceux qui en ont les moyens (autant en argent qu’en atout corporel) et pas à tout le monde, ni donc à ceux qui le mériteraient vraiment. De plus, nos trois anti-héros atteignent leur but de manière vraiment inhumaine : voler un mec est une chose, le séquestrer et le torturer en est une autre ! Et tout ça pour quoi ? Pour se permettre d’être supérieur aux autres (le personnage principal s’imposant comme LE modèle à suivre auprès de son voisinage), de nager dans la drogue jusqu’à être poussé à commettre l’inconcevable, et de ne fréquenter que des femmes aux allures de putes (n’ayons pas peur des mots). C’est ça le rêve américain ? En tout cas, c’est ainsi que Michael Bay le conçoit. Et il le dénonce de cette façon via ce scénario plus astucieux qu’il n’y parait.
Car sur le papier, Pain & Gain s’annonçait comme une sorte de comédie policière vraiment lourdingue, avec ses personnages stéréotypés (qui ne pensent qu’à se muscler plutôt qu’autre chose) avec de grands airs de clip de rap (lumière clean, femmes en tenues légères et allumeuses à souhait, mise en scène tape-à-l’œil, humour balourd…). Bref, tout ce que nous sert Michael Bay depuis Bad Boys ! Sans que cela enthousiasme le moindre cinéphile ! Et pourtant, il faudra bien admettre qu’ici, la signature visuelle signée Bay donne (enfin) au film tout son sens. Car Pain & Gain se montre tout simplement envoûtant ! Et ce grâce à une musique plutôt sobre (Steve Jablonsky délaisse le côté symphonique de Transformers), des couleurs plutôt flashies et brûlantes, des ralentis qui captivent (même la salive et la sueur qui coulent à flot donnent de l’effet)… Pour donner une certaine ampleur à ce rêve américain. Aussi bien dans cette image qu’il idéalise que celle qu’il cache (la torture et la violence montrées de la manière la plus poisseuse).
Et il ne faut surtout pas mettre l’humour de côté pour ce Pain & Gain. Car si le comique lourdingue fait grandement défaut au cinéma de Michael Bay, ici, il trouve tout son intérêt. Afin de raconter cette histoire avec un second degré qui marche du tonnerre. Surtout par le biais d’un trio de guignol aux gros bras, avec chacun leurs petits problèmes et interprète. Mark Wahlberg trouve enfin le ton juste dans un film à jouer les crétins qui ne pense qu’à réussir, même s’il faut commettre le pire pour y arriver. Dans un sens, c’est le moins débile de la bande. Anthony Mackie idéal en obsédé des amphétamines qui ne pense qu’au bien-être de son pénis et à se taper des femmes bien en chair. Mais mention spéciale à Dwayne Johnson, qui se révèle être un véritable génie pour ce qui est de joué la crétinerie absolue avec son personnage d’ancien détenu qui cherche le salut dans le catholicisme. Sans oublier les personnages secondaires, tout aussi désopilants (Tony Shalhoub, Ed Harris, Ken Jeong, Rebel Wilson…). Une bonne pioche !
Mais ce qu’on pourra néanmoins reprocher à ce Pain & Gain, c’est bien sa longueur. Car si l’on passe un bon moment à sourire et à s’étonner du spectacle auquel on assiste, il n’est pas rare de trouver le temps long. Il est vrai que Pain & Gain aurait très bien pu avoir une durée d’1h40 au lieu de 2h10 (comme s’il s’agissait d’un critère pour chaque film de Michael Bay, du moins au minimum si ce n’est plus). Du coup, on aimerait souvent qu’il n’y ait pas de voix-off pour casser l’ambiance hypnotisante du film. Que le début prenne moins de temps à présenter les personnages pour qu’on aille directement à l’essentiel. Que l’humour à Bay s’attarde parfois là où il ne faudrait pas (un mec atteint de diarrhée extrême).
Qu’importe, Pain & Gain se présente comme l’équivalent de Spring Breakers dans la filmographie d’un des plus grands faiseurs de blockbuster pétaradant du cinéma américain. Une preuve que le réalisateur s’est lui-même drogué d’amphétamine pour livrer, avec un divertissement qui sur le papier se montrait balourd, un véritable film d’auteur. Une grande première pour le papa de Bad Boys, The Rock, Armageddon, Pearl Harbor, The Island (quoique ce dernier avait une bonne histoire) et la saga Transformers, qui saura mettre enfin tout le monde d’accord ! Et promettant que Transformers 4 sera le dernier opus de la saga qu’il réalisera (il disait pourtant ça du 3ème), on a hâte de voir ce que Bay pourrait faire par la suite, si ses projets sortent des codes hollywoodiens comme ce Pain & Gain.