Question: Qui est le moins original, selon vous, entre le réalisateur d'une comédie horrifique slash slasher et la légion de néo-cinéphiles qui brandissent comme un étendard leur argument favori ; "aUcuNe OriGiNaLiTé lE fiLm n'ApPoRtE RiEn aU gEnRe". Oui. Et ?
Quel ennui ce serait si l'industrie du cinéma systématiquement était ce que vous voudriez apparemment qu'elle soit : une bande d'avant-gardistes névrosés ayant constaté en tête l'idée de se démarquer de ce qui a été précédemment fait. Je ne peux même pas concevoir que l'argument de l'originalité soit encore utilisé lorsqu'on parle de slasher et de comédies horrifiques en 2020. Je pensais qu'on s'était rendu compte que certains genres du cinéma se prêtaient mal au jeu de l'originalité et de l'avant-garde et que c'était pas si grave que ça — mais faut croire qu'on capte mal dans la cave des touches-pipi intellectuels de chez SensCritique.
Est-ce que le film est un chef d'oeuvre ? Absolument pas. Est-ce qu'il fait le taff et vend ce qui était promis ? Ouais. Pour comprendre l'esthétique des slashers, faut avant tout visualiser le genre horrifique dans son ensemble ; visualisez une branche qui, sans cesse, pousse et évolue. Vous avez là l'épouvante, et son avant-garde qui repousse sans cesse les limites et les codes du genre. Sur cette branche pousses d'autres brindilles, plus ou moins épaisses, plus ou moins longues : le found-footage, le thriller psychologique, le survival, le film de zombies, le giallo, la comédie horrifique, le slasher. Ce sont les sous-genres. Certaines sous-branches continueront d'évoluer, pousseront encore et toujours, renforceront le tout ; c'est le cas, par exemple, du thriller psychologique, du giallo, ou même, dans une moindre mesure, du found footage. Mais si toutes les branches croissaient de la sorte, le tout serait un imbroglio sans nom, et la structure finirait par s'effondrer sur elle-même, trop lourde, trop dense, trop incompréhensible.
Le slasher et la comédie horrifique ne sont PAS des sous-genres qui se prêtent à l'avant-garde. Le slasher, parce qu'il est basé sur une trame narrative de laquelle il est difficile de se détacher. La comédie horrifique, parce que son identité repose sur la notion de trope hyperbolique. La Cabane dans les Bois est allé au fond de ce que pouvait être le sous-genre en étant original et malgré tout digeste. Autant vous dire que le terrain a été pratiqué. L'originalité n'est pas ce que les amateurs de slashers ou de CH cherchent dans ces films.
Quoi donc alors, me direz-vous ?
La tension. C'est aussi simple que ça. Pas le suspense, nécessairement (parce que oui, tout suspense est tension, mais toute tension n'est pas suspense). Et NSitWT joue magnifiquement bien le jeu, contrairement à d'autres hybrides de la sorte ; peut-être est-ce dû à son esthétique terriblement Camp-y, qui a déjà été largement mise au goût du jour par Ryan Murphy (on pense notamment à AHS: 1984), et qui, décidément, se prête bien à ce style de films. Nobody Sleeps in the Woods est gore, haletant. On pourrait bien lui reprocher, cependant, un surplus de tension : vers les trois-quarts du film, l'atmosphère qui ne se détend pas + le montage affolé donne un peu la nausée, on a envie de se détourner, parce que c'est un peu too much. Mais le Camp est difficile à maîtriser justement parce que la limite devient extrêmement fine entre "ce qu'on ne peut pas s'arrêter de regarder" et "ce qu'on a désespérément envie d'arrêter de regarder". Mais un petit coup d'éperon et ça repart ; le film ne transcende rien, effectivement. Il tend sur le coup mais ne marque pas ad vitam aeternam (mais aucun slasher n'a la prétention d'être La Maison du Diable bis, me diriez-vous).
Bref, un bon petit slasher des familles Made in Poland, qui ne se prend pas au sérieux, mais qui arrive à faire monter la tension, même chez les engourdis de l'épouvante.