Je l’ai vu en avant première, avec présentation par Bertrand Bonello son réalisateur, ce qui me permettra d’affirmer quelques faits dans cette critique, ayant discuté avec l’auteur lui même.
Il y aura aussi beaucoup de spoilers !
Le film est une « vision générale de la jeunesse et d’une ambiance actuelle qui semble inévitable » selon Bonello. 7 « jeunes » se baladent dans le métro parisien, font sauter plusieurs lieux simultanément et se réfugient à la Samaritaine pour y passer la nuit.
Bonello à pris 7 jeunes de 20ans (sauf un de 15 ans) d’origines sociales et ethniques différentes, nous disant par "souci d’universalité et d’exotisme", le fait même qu’ils ne devraient pas se connaître selon lui nous donnerait pour indice l’ampleur de l’apocalypse qu’il prépare.
On décèle là bien la vision réductrice du parisien quadra bobo qu’il est.
La mixité sociale et ethnique est un fait réel, et voir un noir de la banlieue ami (ou même juste connaitre) avec un rouquin, deux maghrébins, un blanc, et un couple de juifs (si si, il a osé faire un couple Sarah et David…) qu’ils viennent d’une autre banlieue ou du 16ème moi ça ne m’étonne pas plus que ça, qu’on me donne le motif de leur lien, oui, mais ici il n’en est rien, aucune explication ne nous est donnée.
Ou alors il faut jouer aux extrapolations et à la capilotractation : « mais si, dans le flash back, ils sont dans un café et là y a un type en arrière plan et un serveur…. » Ce genre de spéculations, qui demandent bien trop d’efforts et qui pointent les lacunes d’un scénario paresseux. Alors il est vrai que je fais partie d’une bulle générationnelle, celle des années 80, à qui on a appris à s’en battre la race des origines et des religions, passez moi l’expression, pour ne garder que ton frère l’humain (et ta sœur l’humaine, vous aviez compris).
Tout cela pour dire que pour moi, marquer autant les différences en s’en servant pour dire « regardez, mon film parle à tous les jeunes, y à de tout dans mon groupe » c’est un peut trop lourd, et j’ai plus l’impression de voir le fameux argumentaire du FN de l’ami noir qui cautionne les réflexions les plus racistes. Mais je digresse.
Nocturama commence par une petite partie de… 45 minutes où l’on suis les jeunes dans la mise en place de leur plan brillant en se déplaçant et se croisant dans le métro parisien à grands coups de sms et de photos, et sans parler, si les 10 premières minutes prennent et nous intriguent, j’ai commencé à trouver le temps long au bout de 15 mn, ne nous donnant toujours pas d’explications et au bout de 45 mn je souhaitais juste qu’il y ai un contrôle des titres de transports histoire qu’il se passe quelque chose !
L’effet était bon et accrocheur, le problème qu’on a là c’est qu’il est plus qu’usé, et si des Flashbacks viennent donner quelques indices, des dialogues entre deux personnages, ou une fameuse réunion de préparation du « plan » on assiste surtout à des effets de styles sans cohérences un peut à la Insaisissable2 avec sa scène de passement de carte très esthétique mais inutile scénaristiquement, ici tous ces allés et venu sont jolis, mais si ils sont là, comme ils l’indiquent, pour ne pas éveiller les soupçons alors pourquoi cacher certains éléments dans des poubelles ou recoins du métro, pourquoi attendre tel ou tel complice pour se donner des trucs si ils s’étaient tous vu avant, cela n’a pas de sens, si le but est de faire croire qu’ils n’ont aucun lien évitez de les faire se rencontrer et échanger des éléments sous le regard de caméras de surveillance, c’est basique non ?!
Après tout cela, vient enfin le moment qu’on nous a vendu dans la bande annonce, l’explosion, l’attentat.
On sent bien que c’est le climax du film par ce que Bonello nous le sert sous tous les angles, plusieurs fois et même en Split-screen ! Très souvent dans le film il utilise cette astuce de montage où il ressort la même action sous un angle différent, un peut à la Tarantino dans Jackie Brown, mais souvent aussi juste le même plan qu’on aura vu 2mn avant, ce qui donne un effet de hoquet au film. Ce effet est voulut et justifié car il avait « peur que les spectateurs perdent le fil du film ou ne se souviennent plus qui étaient les personnages ou ce qu’ils avaient fait » excusez moi mai là il vous prend ouvertement pour des buses à mémoire de poissons rouges atteint de sévère Alzheimer ! Et croyez moi il en est fier en plus !
S’en suis alors la deuxième partie du film : le huis clos dans le grand magasin, la Samaritaine exactement, lieu de leur refuge, par ce que… pourquoi pas, moi si j’avais fait un gros truc comme des attentas simultanés e que je ne voulais pas qu’on me soupçonne je resterai chez moi et je me démerderai pour faire croire que j’ai pas bougé, j’irais pas au cœur de Paris, mais soit, c’est l’axe du film, ce qu’il est sensé développer, donc ok je respecte.
En entrant dans le lieu on leur donne trois règles : ils ne doivent pas sortir du bâtiment ni communiquer avec l’extérieur pendant 10h, ne pas allez à l’étage des luminaires seul étage où les caméras de surveillance sont encore actives pour faire croire que tout se passe bien au pc sécurité, et ne pas foutre trop le bordel pour ne pas laisser de traces.
Et devinez ce qu’ils font ?! Pendant plus d’une heure du film?!
Alors oui on a des passages très beaux, esthétiquement, voir même drôle, et enfin un développement des psychologies des personnages, hosanna ! Mais chacun va mettre un point d’honneur à enfreindre ces règles, sauf qu’on ne parle pas d’une règle au Monopoly qui n’a que peut de conséquences, mais de leur survie, il me semble que si on dit à n’importe qui ferme ta gueule et fait toi discret pendant 10h et tu seras peinard, il est à peut près sur que ce quelqu’un suivra les indications. Mais là non, on à même droit à une ballade dans les rues de Paris la nuit par David, et qui discute même avec des gens des attentas, et qui invite des sdf à venir faire la fête avec eux ! Mais si tu veux un personnage qui à un point de vue extérieur aux actions de tes personnages principaux fait les se rencontrer avant le huis clos, pas pendant, si non c’est plus un huis clos !
On a aussi droit à ce que j’appelle un hommage au vieux cinéma d’Almodovar période Talons Aiguilles, en vrai pas du tout, Bonello trouvait juste ça "drôle", pour lui c’était l’expression "des jeunes qui font la fête", avec une scène très longue où un des personnages, (pardon mais il ne les a pas tous nommés dans son film), se travesti et fait un Playback sur My Way chanté par Shirley Bassey est assez gênante pour son coté moquerie.
Plus généralement, cette partite du film est ponctuée par des chansons, souvent dans son intégralité ou presque, sensées faire l’effet madeleines de Proust pour les Personnages et le spectateur. Ce qui est dérangeant c’est que quand Bonello fait cela, il oubli qu’il y a une génération entre ses spectateurs et ses héros qu’il a voulut très jeune, « encore enfant » : 20 ans tout de même et si on peut facilement reconnaître Call Me de Blondie, ou surtout Amicalement Votre, il n’est est pas de même pour le spectateur et le personnage de 20 ans, qui passera complètement a coté de la référence. j'ai demandé a mes amies qui ont 20 ans, elles confirment, Amicalement Votre: connais pas! Quitte à j’aurais préférer « Qu’est ce qu’on attend » ou « Paris sous les Bombes » de NTM
Et c’est l’exemple type de pourquoi ce film est raté, il l’a dédié à sa fille qui à quinze ans, et plus généralement aux autres « jeunes » (autour de 20 ans), mais tout dans son film les instrumentalises, les aliènent et les rendent décérébrés, pas un seul instant son film ne se met à la place d’un personnage principal, alors que pourtant il les suis en exclusivité, au point de ne pas donner d’informations qui pourraient venir d’ailleurs que du groupe ce qui conduit à l’acte trois.
L’acte trois justement, l’assaut du GIGN, se déroule en 20mn, arrive sans qu’on s’y attende, les agents sont totalement déshumanisés, ce ne sont que des cagoules noire avec des fusils, qui ne parlent pas, qui tirent à vue, et tuent sans exception tout le monde. Sans sommation, sans vérification si c’est un otage ou un des auteurs de l’attentat, bim, ils arrivent, tuent tout le monde, bim, fin du film, merci au revoir.
Là dessus Bonello a expliqué et justifier ce fait en nous disant qu’il avait écrit la séquence comme ça et avait demandé à un consultant du GIGN si c’était bon, et avait réussi à lui faire dire oui, à grand renfort de "mais là tu sais pas combien ils sont, qui ils sont, ce qu’ils font…" bref avec suffisamment de conditions et de si, moi aussi je peux faire dire oui à n’importe qui.
Ce qui me dérange dans cette séquence, c’est déjà la violence gratuite, soudaine, mais soit c’est le contraste qui a été voulut ainsi. Mais c’est aussi l’image très négative qu’elle revoie des forces de l’ordre, je ne suis pas aveuglément pour toutes les actions policières, loin de là, mais il me semble peut probable qu’un policer tire à bout portant dans la tête d’un enfant de 15 ans désarmé, à terre, les main en l’air en train de pleurer et de dire qu’il a rien fait. (Comme dit Nic Angel dans Hot Fuzz, c'est dans les films hollywoodiens, en vrai ça fait un paquets de procès verbaux à remplir et justifier.)
Les débordements dans les assauts je suis sure que ça existe, on a même eu un printemps prolixe en cela, mais montrer uniquement ce genre de réaction, c’est dire de manière dé-constructive que tous les policiers, membres de corps spéciaux, sont tous des casseurs de jeunes tout puissants et abrutis. Ce qui est problématique par ce qu’on tombe dans une caricature, encore une fois, comme on a celui du jeune, on a la caricature du méchant flic.
Et se servir d’une caricature pour amener une réflexion est une chose, pour confirmer un stéréotype en est une autre, et là on est dans le cartoon, la séquence Call of Duty, qui du coup nous fait décroche de l’implication émotionnelle pour ne laisser place qu’à un FPS classique, où on est presque à dire là y’en à encore un, plutôt que de croiser les doigts pour que les héros s’en sortent.
D’autre part, et sur cela je ferai ma conclusion, faire un film à Paris sur des jeunes qui commettent des attentas en 2016 peut être une très bonne idée, surtout dans le climat actuel, si et seulement si on leur donne un but.
Dans un des Flashbacks on nous montre André qui explique à Sarah que pour avoir le concours d’entrée à Science Po il suffit de faire un développement d’idée, d’amplifier et de conclure sur un propos aberrant afin d’avoir une réaction du correcteur, il prend alors son propre exemple et explique qu’il a soutenu l’idée que la société actuelle courrait à sa perte et que seul la destruction totale du système pourrait sauver l’humanité.
Et tout au long du film, malgré ses erreurs, ses longueurs et maladresses je me suis accrochée au fait que le groupe avait un but, une idéologie, que le fait de faire exploser le ministère de l’intérieur, la statue de Jeanne d’Arc ou la Défense avait un but, un symbolisme, et que ces jeunes avaient compris quelque chose, et avaient pris la décision d’agir, mal ou bien c’est un point de vue mais pour un but. Que leur recherche d’asile dans un haut lieu de la consommation était comme une ironie, un chan du cygne d’une époque qu’ils voudraient enterrer, et que par là l’assaut final, brutal, fatal sonnait comme la réponse du gouvernement qui est plus fort que l’insurrection citoyenne, qui musèle la rébellion et incite le spectateur à ne pas agir, à se plier aux règles, à suivre comme un mouton, ce qui est pessimiste mais qui est une vision, un propos, un message. Mais non. J’ai vu trop loin.
Bonello l’a dit, il l’a répété, il n’a pas voulut faire « un film politique, ni générationnel, ni un film à message ». Il a voulut « créer une ambiance, par ce qu’il sent que ça peut arriver », il l’a écrit en 2011 pendant le tournage de l’Appolonide, pour « se changer les idées ». Voilà. Il était « un peut embêté que les attentats de Charlie et du Bataclan aient lieu, par ce qu’il avait peur de l’amalgame » mais heureusement les producteurs l’ont soutenu. On est rassuré, on a failli avoir un bon film, on se retrouve avec une branlette intellectuelle stérile, la vision des jeunes par les vieux et pour les vieux.
Si vous voulez un bon film sur des attentats Parisien, procurez vous Bastille Day et laissez celui là dans son coin. Je ne vous encourage pas à aller voir Nocturama.